1. « No Country for Old Men » (2007)
Le Film : A la frontière qui sépare le Texas du Mexique, les trafiquants de drogue ont depuis longtemps remplacé les voleurs de bétail. Lorsque Llewelyn Moss tombe sur une camionnette abandonnée, cernée de cadavres ensanglantés, il ne sait rien de ce qui a conduit à ce drame. Et quand il prend les deux millions de dollars qu’il découvre à l’intérieur du véhicule, il n’a pas la moindre idée de ce que cela va provoquer. Moss a déclenché une réaction en chaîne d’une violence inouïe que le shérif Bell, un homme vieillissant et sans illusions, ne parviendra pas à contenir…
Pourquoi faut-il le voir ?
Il est sans conteste le plus grand succès critique des frangins avec pas moins de huit nominations aux Oscar pour quatre statuettes glanées. « No Country for Old Men » est un peu le faux-jumeau de « Fargo », les plaines arides du Texas ayant remplacé le manteau blanc du Minnesota. Et si la violence est (partiellement) dissimulée sous la neige dans le film de 1996, elle est, ici, beaucoup plus visible, crue, au point de sembler ordinaire.
Adapté du roman éponyme de Cormac McCarthy, « No Country for Old Men » est sans aucun doute le film de la maturité des frangins. Il se démarque en partie par son incroyable densité de ton. Au carrefour du polar, du western et de la comédie – il emprunte également certains codes au cinéma d’épouvante – le film nous place sans cesse sur la corde raide. La frontière entre bien et mal est ténue, on passe sans transition du trait d’esprit qui décroche un sourire au meurtre brutal qui décroche la mâchoire.
L’intérêt du film repose pour beaucoup sur le trio de personnage dont le cheminement fait inévitablement penser au mythique « Le bon, la brute et le truand » de Sergio Leone. Comme son ainé, il nous entraîne dans une course-poursuite d’anthologie entre ces êtres que tout (ou presque) oppose : le premier, Bell – remarquable Tommy Lee Jones – vieux shérif désabusé face à la violence du monde qui l’entoure ; le second Anton Chigurh – personnifié par un Javier Bardem hallucinant, couronné d’un Oscar – tueur à gage psychopathe glaçant et impassible ; le dernier, Llewelyn Moss – incarné par Josh Brolin – cow-boy opportuniste, impulsif et ingénieux.
Aussi brillante soit la traque mise en scène, elle n’est qu’un prétexte pour poser des questions plus profondes. Dans un paysage cupide et amoral, où la beauté des paysages côtoie la sauvagerie, le récit interroge sur la perte d’humanité de la société, en particulier américaine, et la place de la violence dans celle-ci.
« No Country for Old Men » est l’apothéose du cinéma des frères Coen, une œuvre crépusculaire d’une puissance visuelle inouïe, d’un lyrisme envoutant et d’une justesse de ton magistrale. Un sommet jamais atteint et encore moins égalé par le duo.