Néanmoins, si Walt Kowalsky ressemble à s’y méprendre à ses prédécesseurs, il finit toujours par s’en éloigner, comme si Clint Eastwood cherchait à faire renaître via son personnage principal les rôles phares de sa carrière tout en tenant compte de l’évolution de la société. « Gran Torino » est en cela le film le plus abouti de sa carrière de metteur en scène, il nous entraîne souvent là où on ne l’attend pas.
Bien sûr, un film de Clint Eastwood ne serait pas le même sans la notion de rédemption qui lui est chère. Cet homme en marge va finir par réparer ses fautes avec sa Gran Torino pour emblème. On se doute que l’affection qu’il porte à ce gosse, sorte de fils qu’il n’a jamais eu, va lui permettre de se racheter, que son honneur sera sauf. Mais ce qui fait la force de l’octogénaire, c’est sa propension à aller à l’encontre de ce qui est attendu, de bouleverser l’ordre établi. Il parvient à offrir une œuvre d’une grande richesse à partir d’une histoire qui aurait pu se révéler banale.
Techniquement, il n’y a rien à redire, son travail de réalisateur est remarquable : un excellent cadrage et une mise en scène permettant de réellement rentrer dans l’intimité des personnages et de leurs émotions sans en altérer l’authenticité.
Ce film dans lequel se confondent fiction et réalité sonne comme un ultime chant du cygne pour cette légende vivante (même s’il est encore apparu une dernière fois à l’écran dans « Une nouvelle chance » en 2012) et il en faut sous le capot pour faire par le biais d’un film une sorte de bilan sur sa propre carrière. Le plan final au soleil couchant fait d’ailleurs écho à la réalité de son acteur/réalisateur qui est au crépuscule de sa carrière, qu’on le veuille ou non.
« Gran Torino » est un vrai bijou cinématographique, tant sur le fond que sur la forme, qui ne fait que confirmer, s’il le fallait encore, l’immense talent du bonhomme. Il livre peut-être son œuvre la plus aboutie comme metteur en scène, ce qui n’est pas une mince à faire vu la qualité de sa filmographie. Un film irrésistible et poignant. Une belle leçon d’espoir, de vie, d’humilité. Et de cinéma…
Note: 9,5/10
Damien Monami – 08 Mai 2018