- « Je ne veux pas être le produit de mon environnement. Je veux que mon environnement soit produit par moi. »
Qui tient ses propos de wannabe maître du monde ? Le sardonique Frank Costello, ponte de la mafia bostonienne sur plusieurs décennies, auquel Jack Nicholson prête dans « Les Infiltrés » avec ses faux sourires et qui, à la façon de plus d’un héros scorsesien, lors d’une scène liminaire, nous décrit en voix off de quoi est fait son quotidien tout en décochant quelques aphorismes définitifs sur sa vision (le plus souvent cynique) du monde.
« J’ai toujours rêvé d’être gangster », disait déjà dans une scène analogue le jeune Henry Hill des « Affranchis » (Ray Liotta). Beaucoup de personnages scorsesiens auraient pu endosser la formule : de Frank Costello à Howard Hughes (« Aviator »), de Henry Hill à Sam « Ace » Rothstein (Casino), un héros de Martin Scorsese, c’est souvent un personnage qui a longtemps rêvé d’être ce qu’il est devenu. Quelqu’un qui a accompli le prodige de plier la réalité aux dimensions de son rêve. Qui, dans des bouffées de surpuissance, pense s’être soustrait à tous à sa condition médiocre dans laquelle la société l’a collé. Surclassé, propulsé des bas-fonds au sommet, il peut, certes de façon toujours éphémère, croire ne plus être produit par son milieu mais pouvoir, tel le Créateur, le façonner à sa guise. La figure de prédilection du cinéma de Scorsese, c’est l’homme qui se prend pour un démiurge.