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Le récit d’un mythomane romantique

Big Fish

Tim Burton est certainement l’un des réalisateurs avec l’univers cinématographique le plus riche. Un auteur qui navigue entre deux mondes, soit on adhère à son imaginaire, soit on le déteste. Au fil des années beaucoup de spectateurs ont apprécié plonger dans cette atmosphère baroque et gothique et d’autres n’ont jamais réussi à s’y immerger.  

Toujours est-il que le cinéaste possède une filmographie riche dans laquelle il nous a habitué à la pénombre de ses scènes et à la noirceur de ses dialogues.

Une carrière faite de très hauts allant de « Beetlejuice » (1988) en passant par « Batman » (1989), « Edward aux mains d’argent » (1990) ou encore « Sleepy Hollow : La Légende du cavalier sans tête » (1999) ; mais aussi de très bas comme « La Planète des singes » (2001) « Dark Shadows » (2012) et « Big Eyes » (2014) …

Au regard de toutes ses œuvres, on pourrait penser que les plus belles années du cinéaste étaient les années 90 mais c’était sans compter le superbe travail effectué sur « Big Fish » en 2003, une œuvre tirée du roman éponyme de Daniel Wallace.

Faisant à nouveau appel à son sens inné de la poésie et du lyrisme, Tim Burton livrait avec « Big Fish » une splendide fable magique sur l’imaginaire et l’amour qui lui rapporta 4 nominations aux Golden Globes et un succès au Box-Office de plus 120 millions de dollars. Le cinéaste prouvait à tous ses détracteurs que sa perte d’imagination n’était que passagère et qu’il pouvait encore livrer un conte incroyable à la puissance mystifiante porté par la plupart des acteurs fétiches de sa filmographie (Danny DeVito et Helena Bonham Carter en tête).

Retour sur un chef d’œuvre merveilleux et dépaysant.

Synopsis :

William ne s’est pas toujours bien entendu avec son père, Edward, qui passe son temps à raconter des anecdotes fantastiques sur sa vie. Quand il apprend que son père est gravement malade, William retourne au domicile familial…

Depuis ses débuts en 1982, Tim Burton a toujours habitué son spectateur à une atmosphère sombre dans laquelle ses personnages évoluaient telles des ombres aux cicatrices béantes, sorte de vestiges d’un monde qui ne les comprenait pas ou ne les acceptait pas.

Avec « Big Fish », le réalisateur abandonne sa couleur noire pour laisser la place à une palette plus saturée et plus vivante renforçant le côté joyeux et lyrique de son conte.

 

Un long métrage qui, comme dans les précédentes œuvres burtoniennes, repose sur un univers drôle, déjanté, romantique et au bord de l’oubli. Un hommage émouvant à toutes ces histoires matures et émouvantes qu’on raconte aux enfants pour les endormir et dont on se demande si elles ont réellement existé.

Le conte de fées éveillé d’un homme naïf qui aurait sciemment brouillé les pistes pour se protéger et dont l’entourage a du mal à distinguer le vrai du faux. Un vrai rite d’initiation pour Will (touchant Billy Crudup) qui a toujours vécu dans un monde porté par les histoires fantastiques de son père (sidérant Albert Finney) et dans lequel il ne se reconnait pas.

C’est là, la plus grande force et la partie la plus émouvante de « Big Fish », celle d’un mélodrame poignant entre un père mourant qui refuse de parler à son fils (bientôt père lui-même) autrement qu’à travers les récits de sa vie que celui-ci ne comprend plus.

Un concept qui permet à Tim Burton de traiter la mort avec une légèreté dépaysante sur fond de drame familial dans lequel l’inversion naturelle qui fait qu’un homme devient le père de son père lorsque la vieillesse et la maladie frappent.

Le cinéaste donne à son film une atmosphère plus intimiste afin de dépeindre la filiation et la notion d’héritage à travers toutes les péripéties fantastiques d’Edward Bloom (fantastique Ewan McGregor).

Tim Burton pose comme fil conducteur de son récit la postérité et la peur de l’oubli rendant l’ensemble de ses personnages extrêmement humains et hauts en couleur. Ainsi le vieux Bloom et ses histoires, aussi excentriques soient-elles, lui permettent d’appartenir à ces hommes iconiques, vivants à travers leurs aventures comme le rappelle si bien la dernière phrase du long métrage : « un homme raconte si souvent ses histoires, qu’il ne fait plus qu’un avec ses histoires et lui survivent… et ainsi, il devient immortel ».

Une véritable réflexion sur les actes manqués entre un père et son fils, soutenu par la bouleversante partition d’un Danny Elfman rarement en aussi grande forme. Les mélodies du compositeur épousent parfaitement les envolées magiques et nostalgiques de son réalisateur qu’on vous défie de ne pas esquisser une larme devant cette œuvre troublante et mélancolique.

« Big Fish » peut se regarder comme le miroir des meilleures œuvres burtoniennes et notamment le sublime « Edward aux mains d’argent » grâce auquel il renoue avec ses thématiques et son esthétique d’antan.

Une œuvre qui déboussole de par ses arbres oniriques, ses orages cataclysmiques, en passant par une panoplie de personnages improbables (du géant au loup-garou, aux sœurs siamoises tous se rapprochant de l’univers délirant de Federico Fellini), Burton s’en donne à cœur joie pour nous offrir une œuvre troublante, jusqu’à son épilogue émouvant et hautement symbolique.

« Big Fish » est une œuvre hors du commun à la fois innocente et mature, en plus d’être une fable humaniste et existentielle embellie par la mise en scène d’un Tim Burton au sommet de son art. Un conte merveilleux et mélancolique porté par des acteurs impeccables qui lui permit de renouer avec son succès d’antan.

C’est le cœur lourd et les larmes aux yeux que l’on ressort de cette œuvre touchante avec comme seule envie d’y replonger pour que la magie opère encore…

Note : 8,5/10

Julien Legrand – Le 16 mars 2020

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