Critique « Dune » (2021) : Denis Villeneuve : le « messie » de « Dune » !
Œuvre mythique, monumentale, réputée inadaptable ; « Dune » sort ce 15/09 au cinéma. Denis Villeneuve a-t-il réussi l’improbable pari ? Verdict
La rédemption par les cartes
Paul Schrader, scénariste émérite ayant travaillé notamment pour Martin Scorsese et réalisateur encensé pour ses films jusqu’au-boutiste, signe avec « The Card Counter », un film complexe et « à charge » peut-être un des meilleurs longs métrages de l’année écoulée.
Notre avis sans rien vous divulgâcher du dessous des cartes…
Synopsis :
William Tell (Oscar Isaac), a passé presque 10 ans en prison militaire, il y a acquis un don pour les jeux de cartes. Hanté par un passé dont peu de choses nous sont dévoilées ; il prend maintenant plaisir à jouer de petites mises au black jack et au poker dans de petits casinos Un jour, il rencontre un jeune homme meurtri par le suicide de son père, lui aussi ex-militaire. La cause de ce suicide il l’impute au colonel Gordo (Willem Dafoe), que William a connu en 2003 en Irak. Touché par la situation familiale de Cirk (Tye Sheridan), William décide de le prendre sous son aile et va tout faire pour l’empêcher de céder à un acte de violence. Une violence qu’il connaît bien et dont il ne veut plus entendre parler. Sous la houlette d’une coach de poker team, La Linda, (Tiffany Haddish), il sillonne alors les tournois de poker du pays pour constituer une cagnotte afin d’effacer les dettes du jeune homme. Et lui offrir un nouveau départ.
Eternellement connu comme le scénariste de « Taxi Driver » (mais aussi d’autres Martin Scorsese comme « À Tombeau ouvert », « Raging Bull »), Paul Schrader, compte aussi une vingtaine de films à son actif de « American Gigolo » à « Blue Collar » en passant par « Sur le chemin de la Rédemption ». Certains ne seront donc guère surpris par « The Card Counter » et son côté janséniste même si son atmosphère très années 70 doit beaucoup à la pandémie et aux petits casinos dans lesquels se passe l’action.
En fait d’action il n’y en a guère si ce n’est dans les cauchemars (souvenirs) du taciturne et magnétique héros. À l’action « The Card Counter » préfère l’introspection avec ses images volontairement répétitives de banales chambres de Motel et de parties de poker filmées sans suspense et souvent sans la « rivière ».
Sujet obsessionnel de Schrader, la rédemption prend son temps les cartes défilent, créant une ambiance fascinante et délétère sans violence apparente.
Le spectateur attend et le film n’abat pas ses cartes… mieux ; la grande scène espérée est escamotée, hors champ. Aidé par une bande sonore étrange et pénétrante signée Robert Levon Been, Jesse Mark Russel, Giancarlo Vulcano, Ben Salisbury, Geoff Barrow et paradoxalement sublimé par le jeu ultra minimaliste d’Oscar Isaac, ce film à l’âme noire dégage une classe indéfinissable. Paul Schrader fait une démonstration de plans fous, instillant une ambiance surréaliste proche de celle de David Lynch. Rarement un scénario aura autant joué la boîte de Pandore ; « The Card Counter » ne porte pas bien son nom mais il cache bien son jeu et rarement « jouer sa dernière carte » aura eu autant de sens.
Avec son ambiance faussement décontractée et la belle alchimie régnant entre les trois protagonistes, « The Card Counter » cherche à tromper son monde.
Nous sommes comme devant le Magritte « Ceci n’est pas une pipe » ; ceci n’est ni un polar ni un jeu de cartes mais un pamphlet habile dans lequel Schrader au détour de quelques séquences, n’hésite pas à tirer à boulets rouges sur le système militaire américain, ses effrayants non-dits, ses zones d’ombres et ses jeux… de pouvoir.
Merci à Paul Schrader pour la belle leçon d’écriture et c’est toujours un plaisir de retrouver Oscar Isaac quant à l’actrice Tiffany Haddish, c’est une vraie découverte à 42 ans.
Cinéphile ! Courez le voir il ne restera sans doute pas longtemps à l’affiche et c’est dommage !
Yves Legrand – Le 22 janvier 2022
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