Le Phoenix renaît DC cendres

Joker

On l’avait annoncé à la suite des récentes déconvenues des dernières productions DC, la Warner avait décidé de changer son fusil d’épaule concernant le DC Universe. Adieu donc le Superman d’Henry Cavill, le Batman de Ben Affleck et le désastreux « Suicide Squad » ; bonjour à Robert Pattinson dans la peau de Bruce Wayne et une ligne éditoriale moins axée sur un univers étendu.

« Joker » arrive donc un peu dans un climat de scepticisme et de curiosité car même si la volonté du studio était bien au changement, le public et la presse avaient quelques réserves par rapport au film. Malgré son prix du « meilleur film » à la Mostra de Venise, le long métrage de Todd Philips (la trilogie « Very Bad Trip ») était malgré tout touché par les travers de ses aînés.

On est d’autant plus étonné que ce film « Joker » ne s’inspire d’aucun comics et le fait de rajouter une origine story à un tel personnage était un pari très risqué.

Il est vrai que le clown prince du crime a réussi à se créer une certaine mythologie du mystère sur son passé et ce choix de lui offrir un récit derrière sa folie pourrait déplaire à de nombreux fans.  Il existe des personnages dont ne veut rien savoir et la Némésis de Batman était de celle-là.

Alors est-ce que ce « Joker » mérite de tomber dans l’oubli ou au contraire incarne-t-il le renouveau tant attendu de DC au cinéma !

Synopsis :

Dans les années 1980, à Gotham City, Arthur Fleck, un comédien de stand-up raté est agressé alors qu’il ère déguisée en clown dans les rues de la ville. Méprisé de tous et bafoué, il bascule peu à peu dans la folie pour devenir le Joker, un dangereux tueur psychotique…

Bluffé, c’est le mot qui pourrait venir à l’esprit de nombreuses personnes après avoir vu « Joker ». C’est d’autant plus étonnant que le film est réalisé par Todd Phillips (un bon réalisateur sans plus) qui s’occupe aussi du scénario avec Scott Silver (« 8 Miles », « Fighter »), si Silver est habitué à un genre plus sombre et mature, Todd Phillips devait encore faire ses armes dans cette catégorie. La surprise est donc complète puisque le cinéaste s’offre une œuvre sans limite et aux multiples libertés créatives.

Le long-métrage nous dépeint un Gotham City en pleine décadence où la séparation des pouvoirs entre riches et citoyens se creusent de plus en plus, ajoutez à cela le personnage abandonné de tous du nom d’Arthur Fleck (Joaquin Phoenix) et vous obtenez une bombe à retardement prête à exploser à tout moment. Le spectateur est plongé dans une danse macabre et sinistre inédite qui trouvera son point de chute dans un épilogue brutal et tonitruant.

C’est bien là que réside la force de « Joker », voire au gré de la société et de sa vie personnelle, ce dépressif se transformer en un psychopathe totalement disjoncté.  Joaquin Phoenix nous offre un personnage torturé, détruit par ce monde qui le rejette. Arthur Fleck va pourtant essayer de se sauver de sa condition avant de plonger malgré lui dans la folie. L’interprète de Commode dans « Gladiator » est une nouvelle fois bluffant. Il est le souffle, l’âme et la raison d’être du long-métrage grâce à sa palette de jeux. Tantôt pathétique et méprisable, tantôt fou à lier et touchant, Phoenix offre une composition incroyable qui mériterait une reconnaissance aux prochains Oscars.

On peut le redire la grande inconnue de ce film était de savoir si incorporer un passé au personnage du Joker n’était pas à double tranchant, heureusement en voulant justement s’émanciper du background des comics, les scénaristes ont pu créer leur vision du clown prince du crime et l’histoire qu’il voulait nous raconter tout en gardant des attaches avec les matériaux de base.

Dans l’ensemble, le scénario du film est créé à partir des griefs de la vie réelle ce qui renforce la dimension dramatique de l’histoire, problèmes sociaux, abandon des institutions, allant jusqu’à gratter un peu vers l’eugénisme.  Todd Philips signe une réflexion poussée et profonde sur la société américaine, le pouvoir des médias et les élites politiques. Le metteur en scène déconstruit le rêve américain pour mieux le transformer en cauchemar violent et sanglant.

On peut toutefois noter quelques inspirations d’autres films comme « Taxi Driver » et « La Valse des pantins » du maître Martin Scorsese (lui-même à la production en compagnie de Bradley Cooper). Tout comme il faut reconnaître la présence de Robert De Niro dans le rôle de Franklin Murray, un présentateur télé qui joue un peu le rôle d’idole d’Arthur Fleck.

« Joker » possède des qualités indéniables, bien que son histoire se permette certaines longueurs dans la construction de son personnage vedette tout en mettant un peu de côté les autres protagonistes.  On lui pardonne cependant très vite ses défauts car même si par moment le film peut paraitre lent, il arrive à nous présenter un final de grande qualité qui finalement peut tout (re)lancer.

« Joker » est une œuvre aux antipodes des adaptions de comics  vues au cinéma. Un reflet violent et pertinent des maux rencontrés par la société, le long-métrage de Todd Phillips réussit le pari de nous donner un film mature, sérieux et brutal sur la Némésis du Chevalier Noir interprété par un Joaquin Phoenix possédé. 

Une créativité qui nous l’espérons influencera pour le meilleur les prochaines productions DC. Puissant !

Note : 8/10

Loïc Legrand – Le 27 septembre 2019

Test Blu-Ray :

Nous avons eu l’occasion de tester la version Blu-Ray du film de Todd Phillips. Une chose est sûre, la profondeur et le travail sur l’image de cette édition offre une superbe plongée dans l’univers de la Némésis de Batman. Une haute définition qui permet encore plus d’apprécier la texture et le choix des couleurs. Une petite merveille technique qui doit être encore plus impressionnante dans sa version HDR et 4K.

Une édition qui séduit également par sa qualité sonore, portée par les compositions anxiogènes de Hildur Ingveldardóttir Guðnadóttir, qui on l’espère raflera la précieuse statuette aux prochains Oscars vu le souci apporté à ses notes emphatiques. Vous pourrez de plus encore plus apprécier la performance cultissime de Joaquin Phoenix, bien parti pour tout rafler en termes de récompenses.

Au niveau des bonus, Warner nous propose de découvrir la genèse du projet, la façon dont l’acteur de « Gladiator » s’est plongé dans les méandres de l’esprit dérangé du Joker et ce qui fait la spécificité de ce personnage iconique. Les fanatiques du Clown Prince du crime seront conquis. Vous assisterez à tous les dessous du tournage et comment la production a voulu se démarquer de toutes les autres interprétations du personnage. Une belle édition pour tous les fans de la chauve-souris, du personnage et de Joaquin Phoenix.

  • Joker: Vision & Fury (BD)
  • Please Welcome… Joker! (BD)
  • Becoming Joker (BD)
  • Joker: A Chronicle of Chaos (BD)

« Joker » est disponible le 5 février en DVD, Blu-Ray, 4K et Steelbook.

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La meilleure version du chevalier noir qui met tous les fans d’accord est celle interprétée par Kevin Conroy en VO et par Richard Darbois en VF avec « Batman, la série animée ».

Créée par Bruce Timm, Paul Dini et Alan Burnett, cette série respecte à merveille son matériau de base, offre une vision sombre de Gotham City, des méchants iconiques et un générique inoubliable.

Bref retour sur une œuvre qui n’a pas pris une ride et qui reste une référence inégalée. Bienvenue à Gotham City !

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