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« Papy fait de la résistance »

La Mule

Un nouveau film signé Clint Eastwood crée toujours l’événement, d’autant plus lorsque le vieux briscard du cinéma américain y tient le rôle-titre pour la première fois depuis « Une Nouvelle Chance » en 2012 avec Amy Adams. Le voir affublé de la double casquette acteur/réalisateur est souvent gage de réussite, en témoigne les cultissimes « Gran Torino », « Million Dollars Baby » ou encore « Impitoyable ».

Après le retentissant échec de son dernier long métrage « 15h17 pour Paris » et sa vision bien trop pro-américaine de cet attentat déjoué, « Dirty Papy » était attendu au tournant. Avec « La Mule », il propose une sorte de western moderne et s’interroge sur des questions qui lui sont chères, la rédemption et le don de soi.

Reste à savoir si ce nouvel essai peut se ranger aux côtés de ses illustres prédécesseurs (« Mystic River », « Gran Torino » et les autres) ou qu’il s’agit au contraire, d’un nouveau revers.

Synopsis :

À plus de 80 ans, Earl Stone est aux abois. Il est non seulement fauché et seul, mais son entreprise risque d’être saisie. Il accepte alors un boulot de chauffeur. Mais en réalité, sans le savoir, il s’est engagé à être passeur de drogue pour un cartel mexicain.

Dans cette nouvelle œuvre, sa 38ème réalisation, Eastwood tient un rôle qui lui ressemble si on se fie à ses derniers passages derrière la caméra, c’est à dire celui d’un vieil homme irascible, un type bien dans ses baskets à qui on ne la fait pas. « La Mule » possède néanmoins un côté plus poétique et mélancolique que ses ainés.

Ce vieux briscard attire de prime abord un capital sympathie tout autre que Walt Kowalski dans « Gran Torino ». Auprès de sa communauté, il apparaît comme un homme respectable aimé de tous, c’est auprès de sa famille que le bas blesse. Sa relation compliquée avec sa famille, dont sa vraie fille à la ville comme à l’écran Alison Eastwood, ainsi que Taissa Farmiga (vue dans « La Nonne »). Ce récit familial forme d’ailleurs l’axe principal du film.

En effet, le scénario de « La Mule » nous emmène sur deux axes bien distincts. D’un côté, il nous narre son parcours de passeur pour les narcotrafiquants et l’enquête de police qui en résulte ; de l’autre, il nous dépeint un homme empli de regrets qui tente de renouer des liens avec une famille qu’il a trop souvent délaissée.

De ces deux parties distinctes, sonne malheureusement le gros bémol du long métrage. En plus d’être diamétralement opposé et sans réel lien, un des deux axes finit par prendre le pas sur l’autre, et pas forcément celui qu’on croit.

Son parcours auprès du cartel ainsi que l’enquête menée par l’inspecteur de la DEA auraient pu être plus approfondie. Si le talent et le charisme de Bradley Cooper (le récent « A Star is Born ») dans ce rôle ne fait aucun doute, il est dommage que sa prestation soit sous-exploitée.

Il en va de même pour le chemin emprunté par Earl dont la dramaturgie était intéressante, à savoir celle de monsieur tout le monde qui bascule dans le trafic en voyant tout ce que ça peut lui apporter ; un peu à l’image de Walter White dans « Breaking Bad ».

L’ensemble manque également d’intensité, jamais on ne le sent en réel danger alors que le dénouement de l’enquête ne laisse aucune place au doute, on sait d’avance que la route des deux personnages va finir par se croiser.

Au final, cette dimension du film n’est là que pour servir de faire-valoir au message principal qu’il tente de faire passer. Le véritable intérêt du long métrage se situe moins dans sa dimension policière que sur le regard que Earl Stone porte sur sa propre vie.

C’est avant tout le récit d’un homme qui, au crépuscule de sa vie, fait le bilan de son parcours. Ce qui nous intéresse vraiment, ce sont les rapports compliqués qu’il entretient avec sa famille, son introspection sur la vieillesse, plutôt que le fait de savoir s’il va être arrêter ou si le cartel va l’éliminer.

Cette partie du scénario est une franche réussite, si le personnage joué par Clint Eastwood apparaît dans un premier temps comme un vieux réac acariâtre ; ce qui donne lieu à quelques scène cocasse lorsqu’il est confronté à la nouvelle génération ; il se révèle être un homme complexe avec ses failles morales.

Cela permet une évolution du personnage avec un arc narratif qui tend vers la rédemption, on finit par se prendre d’affection pour lui malgré ses défauts notables. Dans cette axe, mention spéciale à l’actrice Dianne West, qui livre une prestation touchante dans la peau de l’ex-femme du passeur.

Après le revers de « 15h17 pour Paris », Clint Eastwood renoue avec « La Mule » à ce qu’il sait faire de mieux sans pour autant tutoyer le sommet de son art. Un résultat mi-figue, mi-raisin qui tend malgré tout à lui rendre ses lettres de noblesse.

Une grande réussite sur le plan émotionnel, avec des personnages d’une grande profondeur et une intrigue policière sous exploitée. Une œuvre poétique qui manque un peu de relief malgré des qualités indéniables.

 Note : 7/10

Damien Monami – Le 29  janvier 2019

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