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Le K-O selon Clint Eastwood !

Million Dollar Baby

Nous avons déjà tout dit, tout écrit sur le grand Clint Eastwood (notre portait ici) mais peu d’acteurs et réalisateurs peuvent se vanter d’une telle aura. Et en 2004, l’intrépide « Pale Ryder » accède une nouvelle fois à la gloire et à la consécration grâce à l’adaptation cinématographique d’une œuvre littéraire controversée, « Million Dollar Baby ».

Un mélodrame puissant où le metteur en scène de « Mystic River » s’y révèle une fois encore au sommet de son art.

Le film récolte quatre oscars dont celui du « meilleur film », du « meilleur acteur dans un second rôle » pour Morgan Freeman, de la « meilleure actrice » pour Hilary Swank et du meilleur réalisateur pour Clint bien entendu qui entre un peu plus dans la légende en devenant à 74 ans, le plus vieux réalisateur primé aux Oscars. Légende, on vous dit !

Retour sur un uppercut bouleversant !

Critique « Million Dollar Baby » (2004) : Le K-O selon Clint Eastwood ! - ScreenTune
© 2004 Warner Bros. Entertainment

Synopsis :

Rejeté depuis longtemps par sa fille, l’entraîneur Frankie Dunn s’est replié sur lui-même et vit dans un désert affectif, en évitant toute relation qui pourrait accroître sa douleur et sa culpabilité.

Le jour où Maggie Fitzgerald, 31 ans, pousse la porte de son gymnase à la recherche d’un coach, elle n’amène pas seulement avec elle sa jeunesse et sa force, mais aussi une histoire jalonnée d’épreuves et une exigence, vitale et urgente : monter sur le ring, entraînée par Frankie, et enfin concrétiser le rêve d’une vie.

Après avoir repoussé plusieurs fois sa demande, Frankie se laisse convaincre par l’inflexible détermination de la jeune femme. Une relation mouvementée, tour à tour stimulante et exaspérante, se noue entre eux, au fil de laquelle Maggie et l’entraîneur se découvrent une communauté d’esprit et une complicité inattendues…

  • Un ring difficile à construire :

« Million Dollar Baby » est une adaptation inspirée de plusieurs histoires écrites par un certain F.X. Toole, un pseudonyme derrière lequel se cache Jerry Boyd, un ancien soigneur dans le monde de la boxe. Malheureusement pour lui, il meurt un mois après avoir appris que Clint Eastwood allait adapter son travail à l’écran.

Alors qu’il vient de terminer le tournage de « Mystic River » lui-même adapté d’un roman de Dennis Lehane, l’acteur de « Gran Torino » est touché par les histoires contées par Jerry Boy que lui propose le producteur Albert S. Ruddy, lui aussi fan du scénario. Ce qu’Eastwood ignore, c’est que le script signé par Paul Haggis dort dans un tiroir depuis plus de quatre ans avec la mention « Development Hell » dessus, c’est-à-dire « Projet sans potentiel ».

Le producteur avait en effet passé quatre ans à chercher des investisseurs intéressés pour l’aider à le réaliser. « Je n’ai pu intéresser personne », a-t-il déclaré dans une interview, « et je parle de gens qui sont mes amis, des gens avec qui je fais des affaires depuis des années. Ils me disaient : « Qui veut voir un film sur deux vieux grisonnants et une boxeuse ? ». Finalement, il trouve la personne idéale pour réaliser son projet, Clint Eastwood. Le cinéaste a lu le scénario et sa réaction a été : « C’est déprimant… mais mon Dieu, c’est magnifique. »

© 2004 Warner Bros. Entertainment

Clint croit dur comme fer en ce drame qu’il souhaite ardemment transposer à l’écran. L’interprète de l’homme sans nom se lance donc dans un rodéo avec le studios Warner, son partenaire de production depuis plus de trente ans, qu’il ne parvient finalement pas à persuader. Il boucle cependant le budget du long métrage en faisant une croix sur la moitié de son salaire et à prospecter chez d’autres sociétés de production afin de trouver des financements. C’est finalement chez Lakeshore Entertainement que le cinéaste du très récent « Le cas Richard Jewell » trouve une aide précieuse grâce à un discours convaincant pour vendre son film : « Million Dollar Baby ne sera peut-être pas un film qui fera votre fortune, mais il vous rendra fier de l’avoir produit ». Clair, concis et limpide !

Et le studio ne s’y est pas trompé en investissant la moitié du budget (partagé avec Warner) car comme dit plus haut, il rafle quatre Oscars mais engrange aussi plus de 236 millions de dollars pour un budget de 30 millions. Pari gagnant donc !

  • Un casting de combattants exceptionnels :

Maintenant que le budget est bouclé, Clint peut enfin se mettre en quête de son casting. L’actrice Sandra Bullock a d’abord été approchée par la production pour participer au nouveau projet du metteur en scène, et y interpréter son héroïne. Malheureusement l’actrice de « Speed », se serait finalement désengagée en apprenant les détails du film, et l’envie du réalisateur de se baser sur les nouvelles de F.X. Toole.

Critique « Million Dollar Baby » (2004) : Le K-O selon Clint Eastwood ! - ScreenTune
© 2004 Warner Bros. Entertainment

Clint Eastwood jette finalement son dévolu sur l’actrice oscarisée Hilary Swank qui l’a impressionné lors de son audition. Bien lui en a pris, puisque grâce à cette performance, l’actrice décroche son deuxième Oscar de la « meilleure actrice ». Avec ce personnage haut en couleurs et terriblement attachant, cette boxeuse candide et gentille devient une vraie bête du ring.

Une prestation exceptionnelle qui n’a pas été de tout repos pour la comédienne, celle-ci s’est totalement investie dans son personnage au point de contracter une infection bactérienne à cause d’une ampoule qu’elle a développée sur son pied pendant son entraînement pour se préparer au rôle.

L’infection était si grave qu’elle a bien failli être hospitalisée pendant trois semaines. La maladie s’étant propagée à vitesse grand V, elle décida de prendre une semaine de repos pour se soigner avec des médicaments sans en avertir Clint Eastwood ou la production. Selon elle, cela n’entrait pas dans les traits de caractère de son personnage. Sacrée Hilary !

Critique « Million Dollar Baby » (2004) : Le K-O selon Clint Eastwood ! - ScreenTune
© 2004 Warner Bros. Entertainment

Alors que Clint décide de reprendre un rôle de vieux grincheux meurtri par la vie dans le rôle de Frankie Dunn, entraineur et gérant d’une salle de boxe, solitaire rejeté par sa fille et rongé par la culpabilité, l’acteur-réalisateur décide de refaire appel à son ami Morgan Freeman, qu’il retrouve après le succès d’« Impitoyable ». À l’origine l’acteur de « Miss Daisy et son chauffeur » avait été approché pour jouer le rôle de Frankie Dunn, pourtant avant même que le cinéaste ne prenne en charge la mise en scène et les rôles principaux, le comédien des « Évadés » avait décidé d’interpréter le rôle d’Eddie « Scrap-Iron » Dupris. Un personnage dont tout le récit est guidé par la voix suave, sorte d’alter-ego du coach et auquel Morgan Freeman donne vie avec passion, délicatesse et sensibilité. Une performance auréolée par l’Oscar du « meilleur acteur dans un second rôle ».

Critique « Million Dollar Baby » (2004) : Le K-O selon Clint Eastwood ! - ScreenTune
© 2004 Warner Bros. Entertainment
  • Percutant pendant 2h de rounds :

Alors que tout le Septième Art ne jure désormais plus que par les effets spéciaux et les fonds verts, Clint Eastwood, ce loup solitaire, incarne à lui seul tout le classicisme du cinéma américain. Pour l’acteur du « Bon, La Brute et le Truand » l’artisanat à l’ancienne est une valeur sûre, pas besoin de grands effets ni de gros budgets pour façonner des personnages attachants à travers un récit poignant faisant la part belle aux relations humaines.

« Million Dollar Baby » se fond impeccablement dans ce moule dont lui seul a le secret.

Dès le générique, le metteur en scène nous plonge dans un mélodrame, porté par un travelling hallucinant qui vient se fondre au noir à l’intérieur de l’arcade sourcilière ouverte et sanguinolente d’un boxeur, le ton est incontestablement donné et on sait déjà que l’œuvre ne laissera personne indifférent.

Clint Eastwood n’hésite d’ailleurs par durant tout le film à asséner des coups profonds au spectateur directement immergé, choqué mais aussi touché par cette histoire d’abnégation, de courage ou d’espoir par l’intermédiaire de Maggie mais aussi de Frank. Le cinéaste ouvre des plaies qui ne se refermeront jamais après un final absolument dantesque et injuste qui laisse le spectateur sur le carreau.

Critique « Million Dollar Baby » (2004) : Le K-O selon Clint Eastwood ! - ScreenTune
© 2004 Warner Bros. Entertainment

« Million Dollar Baby » est à l’image du grand Clint, la salle de boxe, lieu où tout transpire l’usure mais où l’on travaille d’arrache-pied pour offrir spectacle et qualité tout comme ces personnages de loosers magnifiques qui ont toujours jalonnés sa filmographie. Clint aime mettre en lumière ces laissés pour compte dont les courts moments de gloire ont toujours un prix à payer.

Certes le film du réalisateur de « La Mule » de coche toutes les cases du mélodrame sportif classique avec la répétition du schéma ultra-codifié de l’ascension et de la chute de l’athlète. Pourtant ce qui est habilement et élégamment mis en image par Eastwood, c’est la façon dont il parvient à revitaliser ces clichés avec plusieurs nuances et variations. Il décide par exemple de féminiser un sport iconique du cinéma à travers le personnage de Maggie en lui donnant une certaine douceur et une innocence bienvenue. Une beauté que Clint tente de préserver à travers son personnage d’entraineur, prêt à tout pour l’aider à réussir tout en protégeant son corps et son esprit des affres d’un sport violent et destructeur.

Critique « Million Dollar Baby » (2004) : Le K-O selon Clint Eastwood ! - ScreenTune
© 2004 Warner Bros. Entertainment

Tout dans « Million Dollar Baby » est une affaire de détails, comme dans ce sport où la répétition précise des gestes doit être parfaite, Clint soigne sa réalisation et offre à Maggie, comme au spectateur, une vraie leçon à la fois de boxe et de mise en scène qui nous tient en haleine de la première à la dernière seconde.

Que cela soit à la réalisation ou dans son jeu, l’acteur de « Gran Torino » atteint une sobriété déconcertante qui ne cesse de nous impressionner.

Comme sa filmographie le montre, Eastwood ne fait pas du rêve américain une obsession mais tente plutôt de démontrer qu’il s’agit d’une quête périlleuse voire dangereuse. Que cette volonté de succès rime avec des culpabilités enfouies et des remords omniprésents… « Million Dollar Baby » nous prouve une nouvelle fois que l’Amour peut être dramatique et mortel.

Tout simplement déchirant, majestueux, bouleversant et édifiant, tant d’adjectifs pour décrire un film inoubliable !

Critique « Million Dollar Baby » (2004) : Le K-O selon Clint Eastwood ! - ScreenTune
© 2004 Warner Bros. Entertainment

Avec « Million Dollar Baby », le grand Clint nous touchait une nouvelle fois en plein cœur avec une bouleversante et fascinante morale dans laquelle il signe à nouveau une mise en scène élégante et percutante. 

Un Véritable uppercut signé par le maître cinéaste, qui offre ici une de ces œuvres les plus poignantes, « Million Dollar Baby » est bien plus qu’un film de boxe, c’est une histoire d’abnégation, de courage ou d’espoir pour l’héroïne, interprétée par une Hilary Swank magistrale entourée par un casting lui aussi phénoménal ; c’est aussi un profond drame humain dont le spectateur ne peut sortir indemne et qui nous hante encore bien des années après. Un film rare, un film d’hommes mais avec au centre une femme extraordinnaire !

Lorsque la cloche retentit, le match est fini et il n’y a même pas besoin de compter jusqu’à dix, Eastwood nous a déjà mis K-O comme il en prend souvent l’habitude.

Note : 8,5/10 

Julien Legrand – Le 6 mars 2021

Sources Photos :

  • Copyright © 2004 Warner Bros. Entertainment

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