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Ryder(s) on the storm

Winona Ryder

De sa révélation dans « Beetlejuice » à son retour fracassant dans la série « Stranger Things », le parcours de Winona Ryder dans le grand bain du cinéma hollywoodien est passé par toutes les étapes. Coqueluche de Tim Burton dans sa jeune carrière, elle s’est vite imposée comme une actrice incontournable des années 1990.

Surnommée la petite fiancée de l’Amérique à cette époque, elle fait partie de ces actrices à la carrière fulgurante qui ont côtoyé le succès et tourné avec les plus grands avant de disparaître des radars après une série de revers inattendus, tant sur le plan professionnel que personnel, qui auront (presque) eu raison d’une carrière plus que prometteuse.

Elle est désormais de retour au premier plan par l’intermédiaire d’une des séries les plus populaires du moment dans un rôle qui lui ressemble et lui sied à merveille et ce pour notre plus grand plaisir.

Retour sur un parcours semé d’embûches.

De son vrai nom Winona Laura Horowitz, elle voit le jour le 29 octobre 1971 dans le comté d’Olmsted dans le Minnesota. Issue d’une famille très cultivée, sa mère est productrice pour une chaîne de télévision éducative tandis que son père est écrivain et travaille aussi dans l’édition et la vente de livres. Son prénom est inspiré du personnage de « Princesse Winona » issue d’une légende amérindienne.

Elle a beaucoup bourlingué durant son enfance au gré des déménagements de sa famille. En 1978, ils s’installent dans une communauté intentionnelle dans le comté de Mendocino en Californie, qui cultive la simplicité volontaire et vit sans électricité. C’est durant cette période qu’elle va montrer de l’intérêt pour les arts, d’abord littéraires par le biais son père, puis pour le cinéma après avoir visionné de nombreux films avec sa mère.

Alors qu’elle est âgée de 10 ans, sa famille déménage une nouvelle fois pour s’installer à Petaluma, dans le comté voisin de Sonoma. Harcelée par les élèves de sa nouvelle école sous prétexte qu’elle ressemble à un garçon, elle quitte l’établissement pour pratiquer l’école à domicile auprès de sa mère avant d’entrer à l’American Conservatory Theatre de San Francisco où elle prend ses premiers cours d’art dramatique dès l’âge de 12 ans. Cette période est aussi marquée par un épisode douloureux durant lequel elle manque de se noyer, ce qui lui laisse un profond traumatisme.

Elle obtient son premier rôle alors qu’elle n’est âgée que de 15 ans. Après avoir envoyé une cassette dans laquelle elle récite un monologue du livre « Franny et Zooey » pour obtenir un rôle dans le film « Desert Bloom » (rôle qu’elle n’obtient pas), elle attire l’attention de David Seltzer qui l’engage pour un second rôle dans le film « Lucas » (1986). C’est à ce moment-là qu’elle choisit le nom « Ryder », en référence au jazzman favori de son père, pour apparaître au générique.

S’en suit rapidement son premier rôle principal dans « Square Dance » (1987), de Daniel Petrie, où elle joue une adolescente qui se lie d’amitié avec un jeune homme atteint de handicap mental.

C’est dans ce rôle qu’elle tape dans l’œil de Tim Burton, jeune réalisateur en devenir dont l’excentricité sera la marque de fabrique tout au long de sa carrière. Celui-ci est choisi par la Warner pour mettre scène « Beetlejuice » (1988) personnage qu’il a lui-même imaginé. Avec ce film qu’il considère comme une version parodique de « L’Exorciste » (1973), il pose les bases de son univers macabre, poétique, carnavalesque et comique. La jeune actrice y interprète Lydia Deetz, une adolescente gothique qui sympathise à la cause du couple de fantômes qui hantent la maison dans laquelle sa famille vient d’emménager.

Le film est un succès critique et commercial, il remporte notamment l’Oscar du « meilleur maquillage » et permet de lancer la carrière de Winona Ryder dont l’interprétation est très remarquée, tout comme celle de son partenaire à l’écran Michael Keaton.

Les critiques lui sont à nouveau favorables pour son rôle dans le thriller « Fatal Games » (1989), satire de la vie lycéenne, aux côtés de Christian Slater et de Shannen Doherty, bien que celui-ci soit un échec commercial. Il en va de même pour son incarnation de la jeune cousine de Jerry Lee Lewis avec qui celui-ci se marie dans « Great Balls of Fire! » (1989). Ce rôle controversé lui vaut une nouvelle fois des critiques favorables.

En 1990, Winona remet le couvert avec Tim Burton « Edward aux mains d’argents », fable noire qui mêle fantastique et merveilleux qui confronte l’imaginaire du cinéaste à la représentation d’une banlieue américaine normative et dangereuse.

Si au premier abord, le film apparaît comme un conte moderne, par son atmosphère colorée ainsi que par son coté poétique, il aborde des thèmes d’une grande noirceur tels que l’intolérance et le rejet de la différence incarnée par Edward, être étrange avec en guise de mains des ciseaux et des lames métalliques qui représentent une menace aux yeux des gens normaux.

Dans cet univers particulier, Winona Ryder incarne Kim, jeune fille d’une grande beauté qui intègre des valeurs positives dans ce monde cruel, son innocence en fait la seule personne à comprendre véritablement les bonnes intentions d’Edward, interprété avec talent par Johnny Depp avec lequel elle entretiendra une relation pendant plusieurs années.

La décennie qui débute va se révéler très prolifique pour la jeune actrice, le public ainsi que les producteurs étant séduit par son air angélique et sa façon très habitée de jouer. Si elle doit renoncer au rôle de la fille de Michael Corleone dans « Le Parrain 3 » de Francis Ford Coppola pour des raisons de santé (le rôle reviendra à Sofia Coppola), elle parvient à tirer son épingle du jeu dans chaque rôle qu’elle obtient.

Elle tourne avec sous la direction de Jim Jarmusch dans « Night on Earth » (1991), où elle tient le rôle d’une jeune conductrice de taxi. Elle lit ensuite le scénario de « Dracula » (1992) et le présente à Francis Ford Coppola qui est immédiatement intéressé pour réaliser le film. L’actrice joue le rôle de Mina Murray et partage l’affiche avec le talentueux Gary Oldman dans ce chef d’œuvre qui est l’un des grands succès du box-office en 1992.

Cette période rime aussi avec ses premiers déboires, bien qu’elle soit fort demandée ; elle joue notamment avec Meryl Streep et Jeremy Irons dans la tragédie familiale « La Maison aux esprits » (1993) ; elle commence à souffrir de dépression et de crises d’anxiété et se fait volontairement interner pendant quelques jours dans un hôpital psychiatrique.

Pourtant cela ne l’empêche pas de côtoyer les sommets, son talent et l’implication qu’elle met dans ses rôles lui valent de nombreuses récompenses et nominations : elle est notamment primée aux Golden Globes en 1994 dans la catégorie du « meilleur second rôle » pour sa composition de jeune épouse dévouée du personnage joué par Daniel Day-Lewis dans le mélo de Martin Scorsese, « Le Temps de l’innocence » (1993), qui se déroule dans les années 1870.

Elle est également nommée pour ce film à l’Oscar du « meilleur second rôle féminin » cette année-là, ainsi que l’année suivante à l’Oscar de la « meilleure actrice » pour « Les Quatre Filles du docteur March » (1994), nouvelle adaptation du roman de Louisa May Alcott dans lequel elle interprète le personnage principal, Jo March, aux côtés de Susan Sarandon et Gabriel Byrne.

Elle recroise Day-Lewis pour « La Chasse aux sorcières » (1996), l’histoire du film est basée sur les événements entourant le procès pour sorcellerie ayant eu lieu à Salem, dans le Massachusetts, au XVIIe siècle. Celui-ci est un échec commercial mais reçoit d’assez bonnes critiques.

Vient alors un tournage qui va marquer un tournant dans sa carrière et coïncider avec le début de son déclin. Elle prend part en 1997 à « Alien, la résurrection », suite très attendue de la saga portée par Sigourney Weaver. Pour ce quatrième volet où elle joue une femme androïde, elle doit tourner une scène sous l’eau malgré la phobie qui est sienne depuis qu’elle a manqué de se noyer étant enfant. C’est en tournant une autre scène délicate qu’elle se blesse au dos et doit prendre des analgésiques pour continuer à tourner, devenant par la suite dépendante de ces médicaments.

Elle enchaine avec « Celebrity » en 1998, qui est une satire de la vie des célébrités mais est un échec pour le réalisateur Woody Allen, son dernier rôle marquant avant un gros passage à vide. Elle tient le rôle principal dans « Une vie volée » (1999) dont elle est productrice déléguée, dans cette adaptation du best-seller de Susanna Kaysen qui lui tient à cœur, elle se met dans la peau d’une jeune femme atteinte de trouble de la personnalité borderline qui est internée dans un institut psychiatrique. Mais contre toute attente, c’est surtout la performance d’Angelina Jolie à ses côtés qui retient l’attention.

En cette fin de décennie elle doit faire face à plusieurs échecs consécutifs, elle est dans un premier temps contrainte de devoir se désister pour le rôle de Katrina Van Tassel dans « Sleepy Hollow » réalisé par son mentor Tim Burton avant d’être recalée pour « Fight Club » de David Fincher dont elle convoitait le premier rôle féminin. Ces échecs ne l’empêchent pas de recevoir son étoile sur le Hollywood Walk of Fame.

Le 12 décembre 2001, c’est le drame : elle est prise en flagrant délit de vol à l’étalage. Cet écart lui vaudra un procès fortement médiatisé. Durant celui-ci, il est établi que les analgésiques dont elle est dépendante et qu’elle prend sans prescription médicale sont directement liés à l’incident. Elle s’en sortira avec des heures de travaux d’intérêts généraux ainsi qu’avec un suivi psychologique mais cet épisode écornera grandement son image et aura également des répercussions sur sa carrière.

S’en suivra alors de nombreuses années de vache maigre durant lesquelles elle devra faire face à la méfiance des producteurs. Woody Allen tentera bien de la relancer en lui confiant le premier rôle de « Melinda et Melinda » (2003) mais elle doit y renoncer car aucune compagnie de garantie ne veut assurer l’actrice après ses ennuis judiciaires.

Il faudra alors attendre les années 2010 pour la revoir dans des rôles à la mesure de son talent. C’est avec « Black Swan » qu’elle amorce un retour au premier plan, le réalisateur Darren Aronofsky lui offre le rôle d’une danseuse étoile en fin de carrière, performance remarquée malgré sa faible présence à l’écran.

Après quelque long-métrage de bonne facture auquel elle prend part, son véritable retour en grâce se fait par l’intermédiaire du petit écran.

Après un second rôle dans l’acclamée mini-série « Show Me a Hero », portée par Oscar Isaac en 2015, elle tient le rôle adulte principal de la série fantastique « Stranger Things », diffusée sur Netflix l’année suivante. Elle y incarne une mère célibataire désemparée par la disparition de son fils cadet avec brio. La série rencontre un véritable succès et la prestation de l’actrice est saluée.

Le parcours de Winona Ryder incarne parfaitement les difficultés que comporte une carrière dans le milieu du cinéma. Dans ce « monde de requins », le talent et la notoriété ne font pas tout, on peut être au sommet un jour et tomber dans l’oubli le lendemain, rien n’est acquis.

Malgré tout, il faut aussi beaucoup de persévérance pour arriver à remonter la pente et Winona en a eu. Elle a su relancer une carrière qui battait de l’aile pour se refaire une place au soleil. Evidemment, elle ne trustera certainement plus les sommets comme à sa plus belle époque mais elle restera une des chefs de file d’un art qu’elle marqué de son emprunte durant un peu plus d’une décennie et ça, personne ne pourra lui enlever.

Damien Monami – Le 29 octobre 2018

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