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Critique « Penguin Bloom, l’oiseau guérisseur » (2020) : Une vie suspendue à un battement d’aile !
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Il n’y a pas de famine au Paradis !
Des salons de Moscou aux isbas Ukrainiennes délabrées, le choc est rude. Tel Tintin, ce jeune reporter belge qui dans « Tintin au pays des Soviets » dénonçait, dès 1930, les manigances du Kremlin, le journaliste Gareth Jones s’enfonce dans une insoupçonnable horreur. Avec lui nous irons de surprise en détresse devant ce que Staline a fait subir à l’Ukraine.
Un film étonnant et à voir pour ne rien oublier… Notre verdict
Synopsis
Gareth Jones, un journaliste gallois, ne doute de rien ; ainsi après avoir réussi une interview d’Adolf Hitler, il ambitionne d’en obtenir une avec Joseph Staline. Il pense que quelque chose cloche dans la relative opulence constatée dans les hôtels et salons de Moscou. Cette Russie prospère proposée aux correspondants étrangers est particulièrement vantée par Walter Duranty (Peter Sarsgaard), l’envoyé du New York Times, dont les vices le rendent suspect voire corrompu. Dès son arrivée, Jones apprend l’étrange décès d’un de ses amis qui s’interrogeait aussi sur l’Ukraine. Cette nouvelle tragique ne lui fait pas abandonner son projet et muni de documents trafiqués, il prend le train vers l’Ukraine où Staline a planifié l’extermination par la faim de la population. Ce drame humain qu’on appellera « l’Holodomor » : entre 2,6 millions et 5 millions de personnes y perdront la vie…
L’acteur James Norton que nous avions découvert en sympathique pasteur-détective dans la série « Grandchester », incarne donc ce journaliste gallois pugnace, héros de « L’Ombre de Staline » accompagné de la très à la mode Vanessa Kirby (« Hobbs and Shaw », « Mission Impossible Fallout », « The Crown »). Sa performance est empreinte de justesse et de sensibilité et il en faut car une bonne partie du film repose sur lui.
Il s’agit déjà du dix-huitième film de la réalisatrice polonaise d’Agnieszka Holland qui fût assistante d’Andrzej Wajda, et qui choisit audacieusement Leonardo DiCaprio pour incarner Rimbaud dans « « Rimbaud Verlaine » en 1995. Quittant assez vite Moscou et les couloirs du Métropole où sont parqués des journalistes totalement désinformés : la réalisatrice s’enfonce avec son héros en Ukraine dépeinte sous sa caméra comme une véritable antichambre de l’enfer. Le pari esthétique est remarquable et gonflé. Au fur et à mesure que le train s’enfonce dans cette terre supposée grasse et fertile qu’est l’Ukraine, véritable grenier à blé de l’Union soviétique, la pigmentation de l’image disparaît…
Le noir et blanc devient la norme. Il n’y a plus repères ! Tout est blanc, le sol enneigé, le ciel plombé d’où n’émergent que des fantômes d’arbres noirs. La neige est partout ! De la vraie. Pas celle qui tombe en flocons vaporeux dans les comédies de Noël mais celle bien profonde où l’on s’enfonce jusqu’aux genoux. Gareth Jones découvre l’horreur de la famine, devenant bientôt lui aussi un affamé voire un cannibale. En Ukraine, une miette de pain noir, de l’écorce d’arbre, de la chair humaine sont autant de choses que même un bouc ne mangerait pas mais sur lesquelles on se jette pour survivre.
Malgré tout, on grelotte et on meurt. Même si l’esthétisme prend le pas sur la narration et ralentit le rythme, la sidération nous emporte devant cette plaine hantée de morts-vivants et les carrioles aux cadavres empilés.
Un film esthétiquement réussi même si on assiste plus à un documentaire d’une page d’histoire voire à un biopic de réhabilitation bienvenu mais assez loin d’« Enfant 44 » par exemple.
Note : 7/10
Yves Legrand – Le 24 janvier 2021
Sources Photos :
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