Critique « Villa Caprice » (2021) : Un face à face digne d’un roman de Simenon.
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Les « étranges fruits » d’une icône du jazz
Près de cinquante ans après « Lady Sings the Blues » de Sidney J. Furie avec Diana Ross, Lee Daniels (« Precious », « The Butler ») s’attarde dans ce biopic sur l’acharnement dont le FBI a fait preuve envers la chanteuse en faisant d’elle la figure emblématique de leur croisade antidrogue. Notre avis sur cette plongée musicale dans la vie de Billie Holiday.
Synopsis :
Focus sur le début des années 1940 quand Billie Holiday, la chanteuse aux multiples addictions, était alors la cible du Département fédéral des stupéfiants dans le cadre d’une opération d’infiltration dirigée par l’agent fédéral noir Jimmy Fletcher, avec laquelle elle a eu une liaison tumultueuse.
Nouvelle relecture de leur histoire par un réalisateur afro-américain, « The United States vs Billie Holiday »inspiré du livre du journaliste Johann Hari, « Chasing the Scream : The First and Last Days of the War on Drugs », publié en 2015, relate comment les autorités fédérales américaines, incarnées par Harry Anslinger, ont traqué Billie Holiday à cause de sa consommation de drogue. Certes tout cela n’était qu’un prétexte car Edgar Hoover, le patron du FBI, estimait que la seule interprétation de la chanson Strange Fruit (écrite par Lewis Allen en 1939) était subversive parce qu’elle dénonçait le lynchage des personnes de couleur par des suprématistes blancs dans le sud des États-Unis ; cette chanson est considérée comme le premier chant de protestation des droits civiques.
Après les films « La môme » avec Marion Cotillard en Édith Piaf ou « Judy » avec Renée Zellweger en Judy Garland, Andra Day offre une performance éblouissante, prêtant sa voix, au timbre si particulier à la chanteuse Billie Holiday et pour son premier grand rôle au cinéma, elle dévoile un remarquable talent d’actrice.
Malheureusement Lee Daniels nous offre un récit longuet (130 minutes) et un peu éparpillé en s’intéressant aux points de vue de beaucoup de personnages et en utilisant des flash-back quelques fois évasifs sur l’enfance de la chanteuse mais « Billie Holiday : une affaire d’état » reste un film à voir car ce drame s’inscrit dans le courant des œuvres telle « Judas and the Black Messiah » à travers lesquelles les réalisateurs afro-américains se réapproprient leur histoire.
Andra Day en prêtant sa voix à l’immortelle icône du jazz, trouve ici un premier grand rôle au cinéma et affiche déjà un remarquable talent d’actrice. Elle s’est glissée dans la peau de Billie Holiday avec un courage et une abnégation récompensée d’un Golden Globe (2021) de la meilleure actrice dans un film dramatique.
Billie Holiday était aussi une femme de conviction avec des propos clash : « On a beau s’être habillée de satin blanc, se mettre des gardénias dans les cheveux et éviter la proximité d’un champ de coton : on se sentira toujours comme une esclave dans une plantation ». Après le film de 1972, un nouvel hommage à une icône, à la voix fabuleuse et au rayonnement qu’elle continue d’avoir aujourd’hui encore.
Yves Legrand– Le 20 octobre 2021
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