C’est simple, le cinéaste se lâche et signe un film à l’opposé de tout ce qu’il a pu faire auparavant. Presque une œuvre testamentaire, « Ready Player One » est la définition même du cinéma « spielbergien ».
Car sous ses airs de film coloré et d’aventure, « Ready Player One » cache des questionnements philosophiques sur le cinéma de son auteur.
Entrer dans ce monde virtuel permet au metteur en scène de réaliser tous ses fantasmes (réécrire certains de ses films, participer à une expérience vidéoludique, alterner entre réel et virtuel, …).
Spielberg s’approprie le roman de Cline pour y déployer tout son patrimoine cinématographique, y réinventer une grammaire de cinéma et oser des transitions impossibles pour imprimer au récit une atmosphère sublime (la séquence déjà culte d’hommage à Kubrick d’une beauté et d’une aisance technique folle). Chaque scène semble pensée dans les moindres détails, un vrai film expérimental et personnel.
Au fil des minutes, « Ready Player One » se transforme en véritable autoportrait de son cinéaste. Spielberg se démultiplie et s’identifie derrière trois personnages de son film : L’un d’abord, Halliday, interprété par Mark Rylance (« Dunkerque » de Nolan) génie crédule et bienveillant qui tente d’offrir rêves et évasion au monde dans ce jeu de réalité virtuelle qu’il a mis au point. Halliday peut être vu comme le Spielberg actuel, celui qui est confronté à son héritage et à ses responsabilités, un inventeur qui a façonné l’imaginaire collectif et qui doit affronter sa création. La deuxième incarnation de Spielberg peut être vue au travers du jeune Wade Watts(Tye Sheridan), un adolescent animé par l’imaginaire et le merveilleux, qui veut surpasser ses pairs et créer pour les autres. Et le troisième, incarné par Nolan Sorrento (Ben Mendelsohn, « Star Wars : Rogue One »), l’industriel cynique et prêt à tout pour s’approprier l’OASIS afin de maximiser ses profits. Celui-ci peut être vu comme le Spielberg faiseur de blockbusters qui doivent rapporter de l’argent à tout prix au mépris du travail artistique (voir « Jurassic Park : Le Monde Perdu », « Indiana Jones 4 », …).
Trois avatars de Spielberg qui se questionne sur son cinéma et qui affronte sa propre image pour mieux faire le bilan de plus de 40 ans de carrière.
En affrontant sa propre image, le papa d’ « E.T., l’extraterrestre » signe un film audacieux, radical et spectaculaire en offrant des références culturelles à tout va soutenues par des effets spéciaux travaillés et poétiques.