Parodique de A à Z !
Ré-intitulé « Coupez ! », le dernier film de Michel Hazanavicius fait l’ouverture du festival de Cannes 2022. Etes-vous prêts à affronter une comédie peuplée de zombies avides de sang ? Combien de chroniqueurs cinéma quitteront la salle avant la fin ?
Notre critique qui vous prépare au pire mais qui vous souhaite le meilleur… sans rien couper !
Synopsis :
Un tournage calamiteux d’une série Z d’horreur dans un bâtiment désaffecté avec un réalisateur stressé par le timing, des techniciens blasés et de mauvais acteurs. Le tout pour exécuter un plan séquence (la caméra tourne sans arrêt) de trente minutes, diffusé en direct à la télévision…Sauf que rien ne se passe comme prévu…
Remake du film « Ne coupez pas » (« One Cut of the Dead » de 2017), du Japonais Shin’ichiro Ueda, véritable phénomène au Japon et sorti en France en 2019 ou adaptation d’un concept ?
Toujours est-il que Michel Hazanavicius va offrir à Cannes quelque chose de rarement vu, d’abord par la structure de la narration (en 3 parties sur lesquelles nous reviendrons) et par une mise en scène riche et dynamique en diable. Le long métrage « Coupez ! », c’est Michel Hazanavicius qui filme Fredo (Charlie Dupont) qui filme Remi (Romain Duris) filmant des zombies… vous n’avez pas tout suivi… Qu’à cela ne tienne, il y a la bande annonce !
Il y a trois éléments distincts dans ce film. Les trente premières minutes décontenancent complètement le spectateur car ce qu’il voit ne correspond à rien mais vraiment à rien de ce qu’est capable de produire le réalisateur des deux premiers « OSS 117 ».
Le spectateur consterné est prêt à quitter son siège confondu par tant d’amateurisme avec des plans improbables (à la caméra tremblante), des dialogues nullissimes et des acteurs pitoyables…
Puis tout bascule dans une seconde partie explicative qui nous reporte quelques semaines auparavant et nous comprenons comment le réalisateur Remi Bouillon a accepté ce challenge d’un long plan séquence de trente minutes Uncut diffusé en direct.
La troisième partie est la révélation quasi jubilatoire d’une catastrophe (ou pas) annoncée et là Hazanavicius fait de « Coupez ! » une vraie déclaration d’amour à ceux qui font le cinéma et une leçon de choses pour ceux qui iront le voir sur grand écran. Grégory Gadebois et Romain Duris, déjà complices dans « En attendant Bojangles » s’en donnent à cœur joie dans la surenchère bien soutenus par Bérénice Bejo, Finnegan Oldfield, Matilda Lutz et une mention pour les répliques de Jean-Pascal Zadi (Fatih), le musicien-bruiteur du film bien aidé derrière l’écran par le double oscarisé Alexandre Desplat (« The Grand Budapest Hotel », « La forme de l’eau ») toujours aussi brillant.
Il y a dans cette comédie un parfum d’escroquerie identique à celui des artistes de Montmartre qui, en 1910, pour se moquer des critiques d’art firent peindre un tableau intitulé « Et le soleil s’endormit sur l’Adriatique » par la queue de l’âne Lolo. Ils avaient par ailleurs produit un manifeste qui en substance disait : « L’excès en tout est un défaut, a dit un âne. Tout au contraire, nous proclamons que l’excès est une force. »… Cent dix ans plus tard, ce film en est un remarquable prolongement.
Avec une narration étonnante qui réserve son lot de rebondissements, une mise en scène ingénieuse et dynamique, des dialogues ciselés et jouissifs ; sans oublier les litres d’hémoglobine déversées en direction du public à la plus grande joie d’un Michel Hazanavicius hilare derrière sa caméra.
Deux points perdus car ce n’est pas une œuvre totalement originale, sinon c’est une belle réussite pour une comédie inclassable à l’énergie débordante comme son casting défoncé à la taurine et son réalisateur qui devait se marrer comme un fou au montage. Bluffant !
Yves Legrand – Le 27 juin 2022
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