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The ghost writer !

Sans jamais nous connaître

Quatrième long-métrage du britannique Andrew Haigh, « Sans jamais nous connaître » est la seconde adaptation du roman « Strangers » de Taichi Yamada, paru en 1987, après la version japonaise intitulée « Les Désincarnés » sortie l’année suivante. Le réalisateur signe un film très personnel tout en abordant des thèmes à la fois actuels et universels que sont l’homosexualité et le deuil.

Emmené par un casting ambitieux, avec en tête d’affiche un habitué des seconds rôles, le trop mésestimé Andrew Scott – accompagné de la star montante Paul Mescal, ainsi que Claire Foy et Jamie Bell – « Sans jamais nous connaître » a séduit la critique, avec notamment cinq nominations aux BAFTA et une aux Golden Globes. Notre verdict.

Critique « Sans jamais nous connaître » (2024) : Les fantômes du passé ! - ScreenTune
@ 2023 20th Century Studios All Rights Reserved

Synopsis :

A Londres, Adam vit dans une tour où la plupart des appartements sont inoccupés. Une nuit, la monotonie de son quotidien est interrompue par sa rencontre avec un mystérieux voisin, Harry. Alors que les deux hommes se rapprochent, Adam est assailli par des souvenirs de son passé et retourne dans la ville de banlieue où il a grandi…

Qui n’a jamais rêvé de revoir ses proches défunts et de tenir une conversation avec eux ? Ce serait l’occasion de leur demander conseils, de leur parler de ce qu’est devenu notre vie ou simplement évoquer nos souvenirs communs. Adam (Andrew Scott) est une âme solitaire, un scénariste frustré, qui vit dans un immeuble dans la périphérie de Londres dont il semble être l’unique résident, la seule personne vivante dans ces couloirs sombres et mal éclairés, jusqu’à ce que Harry (Paul Mescal) se présente à sa porte, ivre et manifestement avide d’attention.

Adam est renfermé, trop installé dans sa solitude pour lui rendre la pareille, mais leur rencontre a quelque chose d’étrange et d’inattendu.

Critique Sans jamais nous connaître (2024) ScreenTune
@ 2023 20th Century Studios All Rights Reserved

C’est par l’intermédiaire de ce voisin plutôt entreprenant que l’on comprend qu’Adam est gay, tout est amené avec subtilité et respect de l’autre.

Les deux hommes vivent leur homosexualité de façon résolument différente Là où Adam est plutôt réservé et semble avoir certaines difficultés à s’assumer complètement, Harry, au contraire, paraît être un homme extraverti et sans complexe, du moins en apparence. Il y a des niveaux frappants d’intentionnalité, de vulnérabilité et de désir dans leur dynamique – magistralement interprétés par Scott, mélancolique et pensif, et Mescal, assuré et volatile. mais leurs aspirations sont au fond sensiblement les mêmes, celle d’être libre d’assumer ouvertement leur orientation sexuelle.

Rarement une relation entre deux hommes aura été aussi bien amenée, comme a pu le faire « Call Me By Your Name » auparavant, le film d’Andrew Haigh – lui-même ouvertement gay – aborde cela avec pudeur et authenticité. Le réalisateur parvient, avec beaucoup d’intelligence, à montrer deux personnes qui s’aiment sans jamais qu’on ait besoin de leur faire dire. Il filme une relation moderne, complexe mais saine, comme pourrait l’être une relation hétéro car c’est au final une grande histoire d’amour tout court.

On n’est pas dans la surenchère, ni dans l’érotisme, afin d’affirmer ou de revendiquer quoi que ce soit, mais plutôt dans le réalisme, on perçoit avant tout de la tendresse dans cette relation, et cela vaut aussi pour l’autre versant de l’histoire…

Critique Sans jamais nous connaître (2024) ScreenTune
@ 2023 20th Century Studios All Rights Reserved

Car « Sans jamais nous connaître » propose une double lecture dont chaque partie sont pourtant intimement liées. Outre sa relation avec Harry, le scénariste qu’est Adam, mélancolique et solitaire, souffre du syndrome de la page blanche et est dans le même temps submergé par le traumatisme de la perte de ses parents dès son plus jeune âge. Adam ressent le besoin de renouer avec son passé pour avancer, de retrouver les lieux de son enfance. C’est là que le film prend une tournure plus onirique, on bascule dans l’étrangeté par le prisme de sa rencontre avec ses parents, décédés alors qu’il était enfant.

L’occasion d’une seconde chance, pour se dire ce qu’ils n’ont pu, ou simplement su, se dire. Les conversations qu’ils ont sont simples mais douloureusement familières, parsemées du genre de confessions que n’importe quel orphelin ou enfant négligé tuerait le monde pour entendre, notamment ce coming-out qu’il n’a pas eu l’occasion de faire. Il s’agit d’un désir inconfortable mais pressant : vos parents l’auraient-ils accepté, seraient-ils inquiets ou compatissants. Leur réaction est ici régie par l’époque dans laquelle ils sont restés et dont ils sont le fruit, avec les mœurs et les convictions qui vont avec.

Critique Sans jamais nous connaître (2024) ScreenTune
@ 2023 20th Century Studios All Rights Reserved

Cela donne lieu à des scènes aussi touchantes qu’irrationnelles mais le film n’est jamais trop frontal dans sa construction, tout est dans la suggestion. On navigue souvent en eau trouble quant à la nature des parents d’Adam, sont-ce des fantômes ou le résultat de son imagination, cela reste du domaine de l’implicite.

Claire Foy, jeune reine de « The Crown », et Jamie Bell, inoubliable interprète de Billy Elliot, sont également excellents, ils dépeignent un couple qui semble davantage guidé par les conventions que par l’intention. Ils sont aimants et décents, mais ne sont pas enclins à remettre en question ou à remodeler leur monde, et encore moins à reconnaître sa capacité à nuire à leur fils.

Critique Sans jamais nous connaître (2024) ScreenTune
@ 2023 20th Century Studios All Rights Reserved

L’esthétique est au service de cette ambivalence grâce à une colorimétrie aux teintes crépusculaires et aux tonalités pastels. Il y a dans cet immeuble isolé et ces couloirs sombres, quelque chose de surréaliste, une solitude urbaine qui renforce l’impression de mélancolie inhérente à ce personnage en plein doute.

Il en va de même pour la bande originale du film, à base de groupes pop britanniques phares des eighties tels que Pet Shop Boys, Frankie Goes to Hollywood, etc. qui colle idéalement avec son sujet.

Critique Sans jamais nous connaître (2024) ScreenTune
@ 2023 20th Century Studios All Rights Reserved

« Sans jamais nous connaitre » est une œuvre d’une beauté inouïe, il traite avec grâce des thématiques universelles que sont la solitude, le deuil et les regrets tout en proposant différents niveaux de lectures. Andrew Haigh signe un film atypique aux frontières du réel, sans jamais en faire trop et en laissant toujours subsister le doute quant à la nature des évènements qui se déroulent.

On se laisse emporter par cette histoire d’amour, de réflexion et de guérison à la fois réconfortante et déchirante. Un film sobre et puissant à la fois, d’une poésie infinie sur le monde qui nous habite et les fantômes du passé qui vivent en chacun d’entre nous pour le meilleur et pour le pire.

NOTE :

0 /10

Porté par un casting éblouissant – mention spéciale à Adam Scott pour sa performance tout en retenue et en sensibilité – « Sans jamais nous connaitre » est un OFNI, un récit teinté de mystère, un drame fantastique à la mise en scène soignée et aux accents nostalgiques.

Un des meilleurs films de ce début d’année !

Damien Monami – Le 21 mars 2024

Sources Photos : 

© 2024 20th Century Studios All Rights Reserved.

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