Publicités

Il y a aussi des menteurs au paradis

Kompromat

Avec « Kompromat », Jérôme Salle nous dresse un deuxième portrait de la Russie, puisqu’il a également réalisé les deux premiers épisodes de « Totems », la mini-série d’Amazon Prime Video. Il nous offre cette fois une course-poursuite haletante portée par un Gilles Lellouche en grande forme.

Notre avis croisé ,au regard de l’actualité, sur un homme seul coincé entre les pattes de « l’Ours » !

Critique « Kompromat » (2022) : Il y a aussi des menteurs au paradis - ScreenTune
© 2022 - Athena Films

Synopsis :

Sibérie, 2017. Mathieu Roussel ,directeur de l’Alliance française d’Irkoutsk, est brutalement arrêté sous les yeux de sa fille et incarcéré. L’expatrié français est victime d’un « kompromat », un dossier constitué de faux documents compromettants qu’ utilisent les services secrets russes pour nuire à un ennemi de l’Etat. Menacé d’une peine de prison à vie, l’issue inéluctable du procès ne lui offre qu’une seule option : s’évader, et  tenter de rejoindre la France par ses propres moyens…

Jérôme Salle aime visiblement nous faire voyager ; à l’antarctique dans « L’Odyssée » (2016 avec Lambert Wilson et Pierre Niney), Hong Kong (« Largo Winch » 2008 avec Tomer Sisley) ou encore l’Afrique du Sud (« Zulu » de 2013 avec Forest Whitaker et Orlando Bloom), succède la sibérie (après les deux premiers épisodes de « Totems »). Cependant « Kompromat » n’est pas qu’une course-poursuite entre les services secrets russes et un expatrié français qui a eu le tort de déplaire à certains potentats locaux.
On y trouve aussi d’autres réflexions sur les conditions carcérales ou la désinformation chère à notre époque et la paranoïa des écoutes téléphoniques! 

Le sujet est l’adaptation très libre du livre « Dans les Geôles de Sibérie » (2020) de Yoann Barbereau dont le personnage renommé Matthieu Roussel est incarné par Gilles Lellouche. Jérôme Salle nous immerge dans la tragédie vécue par l’auteur qui a été piégé par le FSB avec un dossier Kompromat (pas pour les mêmes raisons)  et qui a purgé, dans les conditions qu’on imagine, trois ans dans les geôles russes.

Le tournage a eu lieu en Lituanie (et non en Russie)  durant la période du confinement. Gilles Lellouche a déclaré que certaines scènes étaient si difficiles voire effrayantes, notamment en prison qu’il n’avait pas eu besoin de travailler pour jouer la peur ou la détresse psychologique !  Évidemment Lellouche porte le film à bout de bras comme il l’avait si bien fait dans « A bout portant » (2010 de Fred Cavayé) où il incarnait déjà un homme ordinaire (un infirmier) piégé dans un complot. Mais l’ensemble du casting est excellent ; de Aleksey Gorbunov en avocat un brin agent double (« Le bureau des légendes » (2015-2020) au terrible Igor JijikineIndiana Jones et le royaume de cristal») mais surtout à la révélation… Svetlana, la troublante actrice polonaise Joanna KuligCold war » 2018).

Une phrase, répétée trois fois dans le film, nous interpelle : « Les Russes pensent que les Français sont lâches, et ils ont raison » dit Matthieu, face à l’hypocrisie diplomatique de l’ambassadeur de France. Et cette actualité (même si elle n’est pas française) résonne  terriblement quand on voit le sort réservé à la basketteuse Brittney Griner détenue en Russie et condamnée  en août 2022 à 9 ans de prison et que les USA n’arrivent pas à libérer sauf à monter un échange avec un trafiquant d’armes russe notoire.

Durant deux heures et sept minutes, le film offre une intensité de tous les instants grâce à un scénario intelligent et un récit haletant. Thriller à la fois politique et policier, avec Kompromat, Jérôme Salle  retrouve  la qualité de mise en scène de Anthony Zimmer (2005) mais il gagne aussi en rythme et en profondeur avec de superbes plans profitant pleinement de la puissance des décors naturels hivernaux.

Note : 6,5 /10

Pour notre part (et nous l’assumons) et sans rien vous divulgâcher, nous aurions préféré une intensité dramatique accrue centrée sur la traque du fugitif en laissant planer un doute sur l’appartenance ou non de Mathieu aux services secrets.

Quelques approximations scénaristiques dans le récit le prive d’un sept. A voir impérativement en salles !

Yves Legrand – Le 12 septembre 2022

Sources Photos : 

© 2022 – Athena Films

Vous pourriez aussi aimer :

contact.screentune@gmail.com