Publicités

Un conte monstrueusementbeau!

L’Étrange Noël de Monsieur Jack 

« It’s the most wonderful time of the year » chantait le grand Frank Sinatra pour l’occasion, la rédaction de ScreenTune revient sur des films qui ont pour thématique Noël. On commence avec une œuvre charnière que dire essentielle, d’un réalisateur qui possède son propre univers, singulier et macabre.

On parle bien sûr du grand Tim Burton. Nous allons parler de « L’Étrange Noël de Monsieur Jack » réalisé par Henry Selick, maître en animation « stop motion », scénarisé et produit par Tim Burton sur base d’un poème qu’il a lui-même écrit, et enfin composé par Danny Elfman.

Un conte enchanteur, à la fois formidable prouesse technique et bel hymne à la différence. Une œuvre monstrueusement belle que nous allons vous inciter à découvrir ou à redécouvrir pour les fêtes.

Synopsis :

Jack Skellington, roi des citrouilles et guide de Halloween-town, s’ennuie : depuis des siècles, il en a assez de préparer la même fête de Halloween qui revient chaque année, et il rêve de changement. C’est alors qu’il a l’idée de s’emparer de la fête de Noël…

On l’a dit « L’Étrange Noël de Monsieur Jack » est une œuvre née de l’imagination de Tim Burton sous forme de poème. Lorsque le futur cinéaste de « Batman » travaillait chez Disney, il imagine déjà dans sa tête durant le tournage de « Rox et Rouky » tout un univers parallèle peuplé d’êtres difformes qui tranchent sérieusement avec le monde aseptisé de son actuel employeur.

Le néo-réalisateur vient de terminer son premier court métrage d’animation pour la firme aux grandes oreilles intitulé « Vincent » (1982), une œuvre déjà pleine d’une rage créatrice folle, conçue comme un hommage à ses influences cinématographiques, de Vincent Price aux films de la Hammer. Dans ce premier essai, il fait déjà preuve d’un sens de l’esthétisme gothique déjà fort prononcé qui influencera et posera bien sûr les fondations de son univers singulier pour le reste de sa filmographie.

Grâce à ses premières expériences enrichissantes comme réalisateur, Burton décide au début des années 90 de proposer son poème sur Jack Skellington à Disney pour le porter à l’écran. D’abord envisagé comme un téléfilm de trente minutes, la firme décide cependant d’investir quinze millions de dollars dans un long métrage via sa filiale « Touchstone Pictures » considérant le projet trop sombre pour le jeune public.

Tim Burton a carte blanche pour réaliser son projet mais se heurte très vite à des problèmes de réalisation et de planning. En effet, il est très accaparé par la réalisation de « Ed Wood » et « Batman : Le Défi » et également ralenti par son souhait de concevoir entièrement le film image par image en pâte à modeler. Il laisse finalement la réalisation technique à Henry Selick dont les compétences ne sont plus à prouver.

Le metteur en scène réalise un travail titanesque qui a suscité de nombreuses difficultés bien trop grandes pour le créateur de « Beetlejuice ». L’une d’entre elles a été la taille des décors. Afin d’atteindre les marionnettes sans risquer de bouleverser l’arrangement des immenses maquettes (ce qui eût signifié de reprendre toute la scène depuis le début), celles-ci furent décomposées en plusieurs éléments facilement séparables. Les marionnettistes purent ainsi opérer en toute quiétude. L’une des excellentes idées de Selick.

Le futur réalisateur de « Big Fish » passe plusieurs mois à peaufiner son scénario en plus d’envoyer tous ses croquis au réalisateur afin que sa vision soit respectée. Il décide ensuite de faire appel à Danny Elfman pour la musique suite à leurs nombreuses collaborations sur « Beetlejuice », « Batman » et « Edward aux mains d’argent ».

Finalement le long métrage sort en salle deux jours avant la fête d’Halloween et fait un superbe démarrage pour son premier week-end. Il rapportera au total rien que sur le territoire américain plus de septante millions de dollars.

« L’Étrange Noël de Monsieur Jack » est un conte macabre nourri de l’âme et des thèmes inhérents au cinéma burtonnien, de la marginalité à l’expression de la différence, de l’amour, ou la représentation de l’argent au sein de chaque fête par le grand méchant Oogie Boogie, l’obsession, la volonté de pervertir un système absolument établi.

Un long métrage audacieux, autant dans sa forme que dans son sujet, ou encore son traitement. Comme si le film était une rencontre entre les décorations de la fête des morts qui croiseraient celle de Noël dans la vitrine d’un grand magasin.

Le cinéaste brasse tout son patrimoine cinématographique (la folie de « Beetlejuice », la raideur de « Batman ») en plus de ses inspirations pour Edgar Allan Poe et le Dr Seuss et donne véritablement vie à son poème à l’écran.

Une œuvre d’une incroyable beauté formelle, cette féérie musicale rythmée et enlevée emporte immédiatement l’adhésion grâce à une animation parfaitement fluide. Il faut souligner le travail d’orfèvre de la production qui offre un film bien moins aseptisé que bon nombre de ses concurrents d’alors, tous obnubilés par les miracles de l’ordinateur. Le film a ainsi demandé environ trois ans de tournage, une minute de film représentant, en moyenne, une semaine de travail.

Une enchanteresse comédie musicale débordante d’imagination grâce à des décors étonnants qui évoquent le meilleur de l’expressionisme allemand et soutenue par les mélodies somptueuses de Danny Elfman. Le compositeur offre des morceaux qui accentuent parfaitement les thèmes abordés dans le film, tout en étant parolier et interprète lui-même de Jack dans ses passages chantées. 

Des choix musicaux qui varient de moments lyriques en passant par le blues dans une allure de parade macabre avec ses cuivres et ses grosses caisses dans des arrangements originaux et des mélodies incongrues aux changements de rythmes répétés.

Avec son conte gothique et baroque au point de vue mature, Tim Burton parle des marginaux, mais sur un ton résolument positif. En confrontant la norme à la marge, il invite les spectateurs de tous âges à se poser des questions sur la subtile frontière entre le malheur et le bonheur, l’anormal et le normal.

Le long métrage ne tente jamais de séduire les plus petits et assume pleinement sa part d’ombre au point de le faire ressembler à un cauchemar enfantin.

« L’Étrange Noël de Monsieur Jack » est une œuvre absolument géniale, qui n’infantilise jamais son public, n’a jamais peur du glauque ou du flippant, et pourtant fait preuve d’une véritable sensibilité.

Une véritable leçon de tolérance dans un monde complexe où personne ne peut dogmatiquement décider de ce qui est bon ou mauvais. Une référence cinématographique intemporelle qui doit autant à Tim Burton qu’au fantastique talent d’Henry Selick. Magistral !

 Note : 9,5/10

 Julien Legrand – Le 8 décembre 2018

Facebook
Twitter
LinkedIn

contact.screentune@gmail.com