Critique d’« Halloween » (2018) – C’est dans les vieilles citrouilles qu’on file le plus la trouille !
C’est dans les vieilles citrouilles qu’on file le plus la trouille ! Halloween 40 ans ! Voilà
Un huis-clos (frig)horrifique !
Un désert blanc dans lequel s’écrase un objet non-identifié, un pauvre husky pourchassé par deux hommes en hélicoptère qui va finalement trouver refuge dans la base de 12 scientifiques américains venus faire des recherches en Antarctique.
Pourquoi ces hommes poursuivaient-ils ce pauvre animal sans défense ? Qu’est-il advenu du vaisseau spatial ?
Voici le postulat de départ posé par le maître de l’épouvante : John Carpenter.
Avec « The Thing », Big John signe un classique originel et fondateur, morceau de bravoure du cinéma horrifique qui accouchera à nouveau d’un dispensable prequel en 2011.
Pourquoi « The Thing » est-elle l’œuvre référence d’un cinéaste qui possède à son actif « Halloween » « New York 1997 » ou encore « Chrisitine » ?
Après « New-York 1997 » (1981) déjà avec Kurt Russell, John Carpenter, nouveau maître de l’horreur du cinéma mondial grâce à l’excellent « Halloween », se lance dans une nouvelle adaptation de la nouvelle « La Bête d’un autre monde » de John W. Campbell. Une œuvre qui avait déjà eu droit à une transposition à l’écran avec « La Chose d’un autre monde » (1951) de Christian Nyby et surtout Howard Hawks qui a grandement inspiré la carrière de Big John.
Ce film de 1951 dans lequel le monstre d’alors n’est qu’une chose humanoïde a marqué le réalisateur au point qu’il y fait lui-même une référence dans son film au détour d’une courte séquence.
Le réalisateur alors âgé de 32 ans se questionne à nouveau devant les restes du cinéma de son enfance et entame un dialogue de cinéphage.
Quelle forme pourrait prendre un monstre aujourd’hui pour donner un effet de surprise ?
Quelle présence pourrait encore effrayer les spectateurs ?
Ces interrogations se traduisent dans « The Thing » par une paradoxale série d’absences.
Absence d’explication d’abord, sur le pourquoi d’une chasse au husky. Un sentiment de malaise se dégage de cette séquence qui exerce déjà une ouverture réelle dans le fantastique.
Absence de héros ensuite, puisque Kurt Russell n’assumera ce rôle qu’au bout d’une demi-heure et dans le seul but de sauver sa propre vie.
Absence de point de vue enfin, qui permet de traiter en ellipse tous les évènements fondateurs. Dans cette avancée anarchique, seule compte alors la contagion de l’effroi.
À l’intérieur de ce récit oppressant à l’image de ces hommes bloqués au milieu de ce désert blanc, John Carpenter oppose alors les scientifiques et la chose. Pour cette dernière, au vu sûrement de la multiplication des sous-genres horrifiques et dans la continuité de son dialogue cinématographique, il opte pour une autre absence, celle de la forme. Se nourrissant des êtres environnants, la chose se distingue par sa difformité. Visqueuse et sèche, plissée et acérée, agressive et défensive. Une vraie métamorphe invisible, capable de se dissimuler aux yeux de tous.
C’est comme cela que Big John déclenche la peur auprès des spectateurs ; la chose est impossible à identifier, seul sa présence impalpable et incontrôlable glace d’effroi. Comme si Carpenter avait mis en images le réflexe de Pavlov du cinéma d’épouvante. Et si la chose est si horrible à découvrir c’est aussi grâce aux talents du duo composé par Rob Bottin et Stan Winston (accompagnés d’une équipe de trente-trois personnes) sur les effets visuels. De nos jours certains les trouveraient dépassés, c’est loin d’être le cas. Les images de synthèse actuelles n’ont pas un rendu aussi organique, aussi dégoûtant, aussi saisissant.
« The Thing » est un récit que l’on pourrait qualifier de « lovecraftien » tout comme « Annihilation » d’Alex Garland. Le cinéaste raconte de manière implacable, fluide et glaciale ce huis-clos horrifique. Très vite, tout le monde est suspecté d’être l’ennemi. La paranoïa collective s’installe. La folie et la peur gagne peu à peu l’équipe.
Carpenter ne va pas s’arrêter là, il impressionne également par sa faculté à jouer avec les nerfs de son audience. Plutôt que d’œuvrer dans un registre visuel et graphique pour happer le public, le cinéaste va installer une ambiance à glacer le sang. Une atmosphère soutenue par la musique angoissante d’un Ennio Morricone en grande forme et qui s’inscrit subtilement dans le style mélodieux du réalisateur d’« Halloween ».
Le metteur en scène va faire monter crescendo son atmosphère terrifiante à mesure que son scénario machiavélique se dévoile. Plus qu’un simple combat perdu, c’est un déchaînement sadique qui se déroule sous nos yeux : un cou qui s’étire jusqu’au déchirement, un ventre béant aux dents acérées, des bras croqués à la moitié. Carpenter maîtrise son sujet à la perfection pour réveiller les terreurs enfouies grâce à une mise en scène redoutablement efficace et qui n’en montre jamais trop.
Monument de peur viscérale et cauchemardesque, « The Thing » va alors briller par sa capacité à hypnotiser un spectateur prisonnier et qui s’identifie au personnage de Kurt Russell, dépassé, piégé, apeuré par ce qu’il ne comprend pas.
Presque 40 ans après sa sortie, « The Thing » n’a rien perdu de sa puissance évocatrice et déchaîne toujours autant les passions et les nerfs optiques. Le film est bel et bien une œuvre majeure du cinéma de genre parfaitement maîtrisée et efficace. Un film culte doublé d’une référence cinématographique qui prouve que John Carpenter manque énormément au cinéma d’aujourd’hui.
Note : 9,5/10
Julien Legrand – Le 7 septembre 2018
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