4. « Sueurs Froides » (« Vertigo ») (1958) :
Scénario de Samuel A. Taylor & Alec Coppel, adapté du roman « D’entre les morts » de Pierre Boileau et Thomas Narcejac, musique de Bernard Herrmann
Avec James Stewart ( Detective John« Scottie » Ferguson), Kim Novak (Madeleine Elster & Judy Barton), Barbara Bel Geddes ( Midge Wood), Tom Helmore (Gavin Elster).
John Ferguson dit « Scottie », un ancien policier souffrant de vertige (d’où le titre anglais) revoit un des ses anciens ami Gavin Elster qui lui propose d’enquêter sur sa femme, Madeleine qui semble perdre la raison.
Celle-ci est en effet fascinée par sa grand-mère, Carlotta Valdez une femme célèbre à San-Francisco disparue tragiquement. Scottie rencontre Madeleine et tombe immédiatement amoureux d’elle.
Lorsque celle-ci fait une tentative de suicide (pour imiter Carlotta), il la ramène chez lui. Madeleine emmène ensuite Scottie à la mission espagnole ou Carlotta Valdez est enterrée. Une fois sur les lieux, elle monte dans le clocher et se jette dans le vide. Incapable de la suivre à cause de son vertige, Scottie ne peut rien faire pour la sauver.
En proie à une forte déprime, Scottie erre dans San-Francisco et rencontre par hasard une jeune employée de bureau un peu vulgaire, Judy, qui semble ressembler fortement à Madeleine.
Pour illustrer les scènes de vertige, Alfred Hitchcock utilise la caméra subjective, mais d’une façon particulière : alors qu’il filme, vers le bas, la profondeur de la cage d’escalier que James Stewart est censé voir avec angoisse, la caméra opère deux mouvements simultanés : un mouvement d’appareil vers l’arrière (travelling arrière) et un mouvement optique vers l’avant (zoom avant). Le résultat de cet artifice technique appelé travelling compensé, est utilisé ici pour la première fois dans un film, ce qui donne une image qui se déforme, comme si la cage d’escalier s’allongeait.
Dans le roman de Pierre Boileau et Thomas Narcejac,« D’entre les morts » , le personnage principal est impuissant.
Dans l’adaptation cinématographique Alfred Hitchcock s’amuse à multiplier les clins d’œil ironiques sur la sexualité de Scottie, incarné par James Stewart. Ainsi dès la deuxième scène, un dialogue interminable dans l’appartement de Midge, il joue avec une canne pendant que Midge fait allusion à leurs courtes fiançailles rompues parce qu’il ne s’est rien passé. Il la pointe même vers un soutien-gorge car Midge travaille dans la fabrication de lingerie féminine, ce qui contribue à érotiser encore plus la scène. Cette canne est donc un substitut de son sexe dont il ne sait que faire en présence d’une femme qui veut l’aimer charnellement. Midge lui parle comme à un enfant « you are a big boy now ! ».
À la fin de la séquence, Scottie essaie de lutter contre le vertige en grimpant progressivement sur un escabeau. Hitchcock montre, dans un plan très bref, des dessins de femmes aux pieds des marches. C’est une tentative d’érection qui est ainsi suggérée. Elle se termine par un fiasco dans les bras de Midge, éternelle insatisfaite.
L’ironie atteint son comble par l’utilisation de la tour Coit, authentique et bien connue par tous les habitants de San Francisco et dont la construction a été financée par une dame qui s’appelait Lillie Hitchcock Coit (aucun lien de famille avec Sir Alfred !). La tour, évident symbole phallique, représente une lance d’incendie car Lillie voulait rendre hommage aux pompiers de la ville. La tour apparaît constamment par la fenêtre de l’appartement de Scottie comme pour se moquer de son manque de vigueur sexuelle. Quand Madeleine, après sa tentative de suicide, vient le remercier de l’avoir sauvée, elle lui dit qu’elle a retrouvé son appartement grâce à elle. Scottie répond que c’est la première fois qu’elle lui est utile à quelque chose.
Alfred Hitchcock, après le succès du film « Les Dioboliques » de H.G. Clouzot, demanda à Boileau-Narcejac de lui écrire un scénario dans la même veine que « Les Dioboliques » : ce fut « Sueurs Froides ». Ce film est l’un des plus beaux, mais aussi des plus sombres d’Hitchcock. Les personnages sont solitaires et rongés par la passion, la haine ou la culpabilité. Les cauchemars de Scottie sont particulièrement angoissants. « Sueurs Froides » (« Vertigo ») explore en détail les relations entre le sexe et la mort. Dans ce film, bien que James Stewart sache que Kim Novak n’est qu’un accessoire du crime, ils ne peuvent s’empêcher de tomber amoureux l’un de l’autre. Le personnage de Stewart ressent un besoin violent de contrôler sa compagne, de l’habiller, d’adorer ses vêtements, ses chaussures, ses cheveux.
« Vertigo », trop dur pour le public de l’époque a connu un demi-échec commercial avant de devenir progressivement un film culte.