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L’impasse mexicaine  

Sicario 2 : La Guerre des Cartels

En 2015, le monde du cinéma découvrait «Sicario » de Denis Villeneuve. Un film présenté auparavant au Festival de Cannes et qui avait beaucoup fait parler de lui. Une œuvre aux accents de thriller crépusculaire, portée par un casting brillant (Benicio Del Toro, Josh Brolin et Emily Blunt) et qui possédait de très grandes qualités grâce à l’excellent scénario de Taylor Sheridan (« Comancheria » et « Wind River »).

Un long métrage qui a inscrit durablement Denis Villeneuve parmi les réalisateurs les plus doués de sa génération (et ce n’est sûrement pas « Blade Runner 2049 » qui nous fera changer d’avis).  Dans son « Sicario », il offrait une mise en scène habile où la tension montait crescendo et qui laissait paraître un univers sombre, impitoyable et crasseux.

Il était donc logique qu’une suite voit le jour après un joli succès au Box-Office (plus de 84 millions de dollars).  Si l’annonce de ce second épisode semblait un peu surprenante, il est pourtant arrivé sous le titre « Sicario : La Guerre des Cartels ». Un deuxième opus sans Denis Villeneuve, bien trop occupé par « Blade Runner 2049 », sans Emily Blunt, pour se concentrer sur les personnages interprétés par Benicio del Toro (Alejandro) et Josh Brolin (Matt Graver), le tout mis en boîte par Stefano Sollima (excellent cinéaste derrière les polars transalpins « All Cops Are Bastards » et « Suburra »).

Que vaut cette nouvelle plongée dans l’univers violent des cartels, du trafic de clandestins et des agents de la DEA ?

Sans détour, ce second volet n’arrive pas à la cheville de son aîné. D’abord parce que Sollima n’est pas Denis Villeneuve. Le réalisateur italien n’est pas aussi habile que son prédécesseur pour gérer la tension qui émane de son long métrage et qui remplaçait allègrement le besoin de scènes d’action incessantes. Un second point sur lequel « Sicario 2 » est beaucoup plus généreux.

À l’inverse du fil de Villeneuve, le long métrage de Sollima représente les ravages de la violence, tout comme la cartographie d’une criminalité sous-terraine et toute-puissante. Chez Villeneuve, les cartels mexicains étaient décrits comme une pieuvre omniprésente, capable de surgir aussi bien dans un dîner du Nouveau Mexique, au cœur d’une villa luxueuse, dans les fondations d’un bâtiment anonyme ou encore en plein embouteillage d’un poste de frontière.

Une différence désirée car le réalisateur italien ne veut en aucun cas offrir une pâle copie du premier volet. Son « Sicario : La Guerre des Cartels » n’est pour autant pas une mauvaise suite. C’est en effet une œuvre plus « classique », mais non dépourvue de qualités.

Sollima offre un spectacle divertissant et efficace grâce à une mise en scène nerveuse (la fusillade en plein milieu du désert mexicain est vraiment impressionnante), une description intéressante de ce monde impitoyable grâce à l’ultra-violence qui sature l’écran, souvent maculé de viscères et de cervelles explosées.

Le cinéaste n’épargne rien à son spectateur et même s’il se montre moins intelligent dans la gestion de la tension, il la remplace par un déluge de scènes d’action parfaitement chorégraphiées.

Il faut aussi souligner que le scénario de ce second volet est moins fouillé que son aîné. Taylor Sheridan a choisi de se passer de l’excellent personnage campé par Emily Blunt, celui-ci offrait au premier film un point de vue perçant sur le conflit moral face à tant de barbarie. Dans ce « Sicario : La Guerre des Cartels », il n’y a plus de limites, un prétexte scénaristique qui se révèle très simpliste, avec de grosses ficelles apparentes.  

Un récit qui s’inscrit plus dans l’air du temps, abordant cette fois le terrorisme d’une façon assez réaliste, qui justifie toute l’immoralité demandée au personnage de Matt Graver (Josh Brolin).

Un discours politique limpide mais terrible, en forme de réquisitoire contre les politiques occidentales en la matière. Un scénario au départ intéressant qui joue très opportunément sur les relations plus que tendues entre les Etats-Unis de Donald Trump et les autorités mexicaines.

Un excellent prétexte pour Taylor Sheridan qui a toujours aimé défendre les minorités (les Amérindiens dans « Comancheria » et « Wind River » notamment). Il s’interroge ici sur la propension des Etats-Unis (mais pas seulement) à exploiter leurs propres tragédies pour s’en prendre à l’ennemi du moment, répandant un chaos qui ne pourra être endigué que par un surplus de brutalité extrême.

Déjà épatant dans le premier « Sicario » de Denis Villeneuve, Benecio Del Toro est une nouvelle fois fidèle à lui-même, excellent comme d’habitude. À ses côtés, Josh Brolin (c’est vraiment son année après avoir joué Thanos dans « Avengers : Infinity War » et Cable dans « Deadpool 2 »), qui rend une partition passionnante d’ambiguïté morale. Ils forment un duo dangereusement irrésistible, l’alliance d’intérêts divergent, mais réunis par une soif de chaos inépuisable.

Au final ce « Sicario : La Guerre des Cartels », est une suite plus qu’honorable, un divertissement calibré pour les amateurs de très bonne série B.

Un moment de cinéma percutant et nihiliste, mais qui souffre d’un rythme parfois trop lent et de quelques facilités d’écriture, anodines au vu de l’ensemble du projet.

Un second volet qui sera évidemment comparé à son illustre aîné, mais qui n’en reste pas moins un film agressif et nerveux porté par un casting toujours aussi impressionnant.

Note : 7/10

Julien Legrand – Le 27 juillet 2018

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