Critique « Gran Torino » (2008) : Le Chant du Cygne
Après une longue absence à l’écran, le Grand Clint revenait sur le devant de la scène avec l’irrésistible et poignant « Gran Torino ».
Vérité ou Justice ?
Trois ans après la sortie du très mitigé, pour ne pas dire médiocre, « Cry Macho », l’inusable Clint Eastwood, 94 ans au compteur, revient pour un énième probable dernier film – même si rien n’est moins sûr le concernant – avec le drame judiciaire « Juré n°2 ». Comme à son habitude, le vieux Cowboy s’intéresse aux oubliés de l’Amérique, ces gens lambda dont on ne parle quasiment jamais.
On peut en dire autant de son casting composé d’acteurs, certes excellents, mais plus habitués aux seconds rôles qu’aux têtes d’affiche. On retrouve ainsi au cœur des débats Nicholas Hoult, entouré entre autres de Toni Collette et de l’oscarisé J.K. Simmons.
Un dernier projet pour le cinéaste que l’on espère de meilleure facture que les précédents pour une sortie digne de sa légende, par la grande porte
Clint Eastwood signe avec « Juré n°2 » un thriller efficace, qui condense toutes les obsessions d’une filmographie monumentale.
Notre critique qui, contrairement à Thémis, déesse de la justice, ne balance pas !
Synopsis :
Justin Kemp (Nicolas Hoult) est sélectionné comme juré aux côtés d’autres citoyens dans un procès pour meurtre très médiatisé(du fait de la future élection du nouveau procureur). Durant la présentation des faits, notre héros réalise soudain que la chose percutée avec sa voiture quelques mois auparavant, et qu’il croyait être un cerf, était très probablement la petite amie en question. Le futur père de famille se retrouve face à un grave dilemme moral. Doit-il se protéger ou se livrer ?
Cela faisait cinq ans et le succès, un peu inattendu, remporté par « Le cas Richard Jewell » que l’on attendait un Easwood digne de ce nom, car il faut bien avouer que les derniers essais du maître n’étaient pas vraiment de franches réussites, entre « Le 15h17 pour Paris », « La Mule » et « Cry Macho ».
Mettons directement fin au suspense, ce « Juré n°2 » est l’une des plus belles réussite du cinéaste depuis « Invictus » en 2010 et prouve qu’il en a encore sous la pédale malgré le poids des années. Il signe une œuvre d’une habileté déconcertante, un drame judiciaire bouleversant qui tient en haleine de la première à la dernière scène.
Le film d’Eastwood nous plonge sans retenue au cœur d’un procès pour meurtre dont le dénouement ne semble pas faire de doute tant la culpabilité du prévenu parait évidente. C’était sans compter sur la présence parmi les jurés d’un témoin privilégié…
L’idée centrale de « Juré n°2 » est puissante, mais le scénario de Jonathan Abrams, bien qu’efficace, se révèle prévisible. C’est ce manque de surprise qui, outre quelques quelques longueurs, affaiblit l’impact émotionnel du récit.
Le scénario tortueux s’assure de laisser des zones d’ombres dans les événements afin de semer le trouble dans nos esprits. Il y en a suffisamment pour laisser planer un doute raisonnable sur l’identité du meurtrier. Les arguments moraux portent moins sur le meurtre et les moments qui l’ont précédé que sur ce que sait le juré de cette nuit-là et ce qu’il va en faire : se protéger ou laver le nom d’un homme potentiellement innocent. Hoult joue un personnage suffisamment nuancés pour que l’on puisse avoir de l’empathie à son égard mais sans jamais être totalement de son côté.
Grâce à une série de flash-back opportuns « Juré n°2 » parvient à faire monter la tension crescendo jusqu’au dénouement, tandis que l’étau se resserre de plus en plus autour du protagoniste.
Toutefois, il réussit à interpeller les spectateurs sur la nature de la justice et le poids de la rédemption.
Justin est appelé à devenir le juré n°2 d’un procès d’ un supposé féminicide.
Le compagnon de la victime, James Sythe (Gabriel Basso), est accusé de l’avoir battue à mort avant de la jeter dans un ravin, et les preuves semblent accablantes. Sauf que Justin aussi était dans le bar fréquenté par le couple, est rentré par la même route, sous une pluie battante…
Le mari parfait se découvre meurtrier, et comprend vite que des aveux aussi tardifs ne pourraient que briser sa famille en devenir. Le trop sous-estimé Nicholas Hoult livre une performance remarquable, rendant palpable la culpabilité et la crise morale de son personnage.
À travers celui-ci, le film nous interroge sur notre propre moralité. Lorsque la vie d’un homme est en jeu mais que la vérité risque de détruire notre vie et celle de notre famille, qu’est-ce qu’on ferait à sa place ? Où se situe la frontière entre le bien et le mal ? Mieux vaut-il enfermer un homme mauvais, violent mais innocent ou un homme bon mais coupable involontaire ? C’est tout le dilemme auquel le spectateur est confronté devant le film.
Dans « 12 hommes en colère » (Sidney Lumet en 1957), Henry Fonda s’acharnait à défendre le jeune homme accusé du meurtre de son père, pas par noblesse d’âme mais par culpabilité, puisqu’il était le véritable assassin.
Le film nous questionnair également sur l’efficacité et les limites d’une justice parfois expéditive, notamment à travers certains jurés qui sont près à condamner un homme sans même prendre le temps de délibérer, uniquement afin de retourner au plus vite auprès de leur famille.
Dans « Juré n°2 », Eastwood, réputé pour son classicisme, la qualité de ses découpages, la longueur de ses plans, nous donne à voir des choses étonnantes : Ainsi nous ne verrons jamais la voiture percuter explicitement la jeune femme ! Même cette éventualité, ce doute, à la fin reste permis.
Que ce soit entre les parties civiles ou entre les jurés – dont les points de vue diffèrent sensiblement – les débats sont eux parfaitement rodés. L’interprétation des acteurs n’est pas étrangère à cela, comme à son habitude, J.K. Simons – le prof tyrannique de « Whiplash » – se révèle excellent en ancien flic un peu trop zélé, tout comme Toni Collette, magistrale en procureure ambitieuse et intransigeante.
Tout en nous montrant des personnages qui ne voient pas au-delà des évidences, Eastwood nous dit qu’en tant que spectateurs nous aussi n’avons pas tout vu.
S’il faut trouver des points faibles à ce « Juré n°2 », c’est du côté de la réalisation un peu trop consensuelle qu’il faut chercher, le long-métrage est assez classique dans sa mise en scène et ne comporte aucune prise de risque.
Le film ressemble à beaucoup d’autres films de procès, que ce soit au niveau des cadrages ou des lumières. Mais ces quelques défauts ne sont pas rédhibitoires et n’entament en rien la qualité globale du film.
L’Avis de Yves :
« Juré n°2 » est un film aussi étonnant que familier, aussi limpide que complexe.
Il est à recommander à ceux pour qui le cinéma est une enquête sur le réel, une enquête, forcément gangrenée de fausses pistes, toujours inassouvies, toujours à recommencer…
L’Avis de Damien :
« Juré n°2 » s’avère assez captivant par son sujet et la façon dont il l’aborde, Clint Eastwood parvient à tirer le meilleur du scénario qu’il adapte en y insufflant une tension palpable dès les premières minutes et qui monte crescendo au fil du récit.
Il signe un films dans la lignée des plus grands drames judiciaires qui ont jalonné l’histoire du cinéma et l’un des films les plus aboutis de son immense carrière de réalisateur.
Un film de procès d’excellentes factures avec tout ce que cela comporte d’ambiguïté, de réflexion et de doute.
Bien qu’il subsiste quelque imperfections, celles-ci n’ont aucune incidence sur le plaisir procuré par le visionnage de « Juré n°2 ». Si celui-ci s’avère bel et bien être le dernier film de son auteur, le vieux Cowboy peut s’en aller l’esprit tranquille vers le soleil couchant…
Laissez vous porter par la magie d’un grand réalisateur. Clint Eastwood conclut, peut-être, son immense filmographie sur un film de procès… mais pas que…car certaines de ses thématiques favorites apparaissent dans cette réalisation menée avec maestria de bout en bout.
Le film débute par une transition qui évoque celle d’ »American Sniper ». Le titre apparaît sur un dessin de Thémis, déesse de la justice, tenant sa balance les yeux bandés ; puis s’attarde sur une autre femme aveuglée par un tissu, Allison (Zoey Deutch), la femme de Justin Kemp (Nicholas Hoult) découvrant avec surprise la chambre de leur futur enfant.
Clint Eastwood nous dévoile ainsi dès les premiers instants une image récurrente de son cinéma : la famille américaine faussement parfaite !
Si nombre de gens voient en Clint Eastwood un artiste réactionnaire tourné vers le passé, son humanisme transparaît pourtant dans chacun de ses films et « Juré n°2 » n’échappe pas à cet héritage. Moderne dans ses problématiques, ce long métrage confirme l’héritage cinématographique du réalisateur, construit, depuis ses débuts, autour de dilemmes moraux et sociétaux.
Une trame classique mais un réalisateur brillant, presque hitchcockien dans sa mise en scène et deux acteurs : Nicholas Hoult (« Renfield » , « Warm Bodies » , « Le Menu » ) et Toni Collette (« Sixième Sens » 1999, « Little Miss Sunshine » 2006) investis et impeccables.
Yves Legrand & Damien Monami – le 4 novembre 2024.
Sources Photos :
© 2024 Warner Bros Belgium
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Retour sur un uppercut bouleversant !
Après l’échec de son dernier long métrage « 15h17 pour Paris », Eastwood était attendu au tournant. Avec « La Mule », il propose une sorte de western moderne.
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