Publicités

L’apogée du Chevalier Noir

Batman : Arkham Trilogy

Le chevalier noir de Gotham est souvent une grande inspiration pour le petit comme le grand écran, il n’y a qu’à voir les deux superbes films de Tim Burton, la somptueuse trilogie de Christopher Nolan et la fantastique série animée de 1992.

Pourtant si Batman a eu les honneurs et les malheurs (coucou « Batman Forever » et « Batman & Robin ») des adaptations sur grand écran, le justicier n’a pas vraiment eu droit à une adaptation vidéoludique digne de ce nom depuis très longtemps.

Tout va finalement changer en 2009 avec la sortie de « Batman : Arkham Asylum ». Personne n’imaginait l’impact qu’allait avoir ce titre, Rocksteady repoussa tellement les limites en matière d’adaptation de comics sur consoles que la saga « Arkham » propulsera le studio en maitre incontesté du genre. Une belle occasion pour replonger dans les 3 titres de l’éditeur développé de 2009 à 2015 avec « Batman : Arkham Asylum », « Arkham City » et « Arkham Knight », n’oublions pas « Arkham Origins » en 2013, épisode intermédiaire en forme de flashback, réalisé par WB Games Montréal.

41 jeux centrés sur l’univers du justicier de Gotham, 16 jeux où il apparait, 12 jeux sur mobiles : c’est un fait, Batman règne en maître sur toutes les plateformes de la Pop Culture. Pourtant, c’est bien chez les développeurs britanniques de Rocksteady et la qualité de la saga Arkham qui le propulse comme l’une des meilleures sagas vidéoludiques de ces dernières années.

  • « BATMAN : ARKHAM ASYLUM » (2009) – Le jeu fondateur :

En 2006, Rocksteady Studios n’a réalisé auparavant que le titre « Urban Chaos : Riot Response ». C’est donc un peu circonspect que l’on voit la chauve-souris pointer le bout de son museau en 2009, surtout que les joueurs n’avaient pas incarné le justicier de Gotham dans un bon jeu vidéo depuis presque 20 ans. Il y eut pourtant l’excellent « Batman Returns » sur Super Nintendo en 1992.

Le très bon « The Adventures of Batman and Robin » aussi sur Super Nintendo (et un autre tout aussi bon, mais différent, sur Megadrive). On retiendra également « Batman the Animated Series » sur Game Boy et enfin, même s’il était assez conventionnel, l’adaptation sur Playstation 2 de « Batman Begins » n’était pas si désagréable manette en main (d’autant que c’est le premier jeu à installer la notion de furtivité et de faire paniquer les criminels pour mettre le boxon et la confusion afin de les déstabiliser… idée que les « Arkham » reprendront, en bien mieux)… Arrivent alors le studio anglais avec un jeu Batman dont l’intrigue se déroule uniquement dans l’asile d’Arkham. Une prise de risque intéressante embellie dans un huis-clos superbement scénarisé et dont le chevalier noir ne sortira pas indemne.

Celui-ci est écrit par nul autre que Paul Dini, l’excellent auteur à qui l’on doit la cultissime série animée « Batman » et le film « Batman contre le fantôme masqué » aux côtés de Bruce Timm.

Batman fait face à sa Némésis de toujours, le Joker, doublé par Mark Hamill en VO et par le regretté Pierre Hatet en FR. Le Chevalier Noir le ramène à l’asile d’Arkham, il découvre plus tard que c’est un piège tendu par le Clown Prince du Crime qui prend le contrôle de l’établissement et libère un à un les plus grands ennemis du justicier de Gotham.

 Le Chevalier Noir doit reconquérir l’asile face aux multiples pièges des super-vilains et surtout de son pire ennemi. Batman confronte les déments, en luttant pour ne pas le devenir lui-même.

Le pitch s’inspire librement d’« Arkham Asylum », le roman graphique éponyme de Grant Morrison et Dave McKean publié en 1989.

Un jeu dépaysant et choquant qui demeure un souvenir puissant pour quiconque y a joué. Rocksteady Studios livre un opus tout simplement puissant, une révolution dans les graphismes, la jouabilité, l’atmosphère et le scénario. Le joueur est plongé dans un asile qui se retourne contre lui, avec une intrigue que les novices apprécient et des clins d’œil que les fans adorent.

Aucune figure de l’univers du héros créé par Bob Kane et Bill Finger n’y échappe (Poison Ivy, l’Epouvantail, Harley Quinn, Killercroc …) ! Grâce à eux, on se questionne sans cesse sur la véracité de l’existence de Batman. Les protagonistes présents permettent d’expérimenter l’un des thèmes les plus intéressants de l’univers du Chevalier Noir : sa ressemblance pathologique avec les malades mentaux qu’il ne cesse de traquer. Le Joker, maitre de cérémonie de cet épisode, ne cesse de le rabâcher : « est-ce qu’un type qui se déguise en chauve-souris peut être considéré comme normal ? » Plusieurs passages du jeu se transforment en expérience hallucinatoire, grâce au gaz de l’Epouvantail qui le mentionne lui-même, « tu es aussi fou que nous et tu as autant besoin de nous que nous de toi. » Toute l’intrigue tente de répondre à cette épineuse question en approfondissant les peurs les plus enfouies de Bruce Wayne.

Les graphismes sont magnifiques de cohérences pour un jeu PS3, sans être trop ancrés dans le style comics ; un ensemble qui sublime le jeu et renforce le sentiment d’immersion du joueur. Le gameplay permet d’alterner entre des combats parfaitement chorégraphiés, via les combos si agréables, et l’infiltration, extrêmement fine et adaptée à Batman à l’aide de ses gadgets dernier cri. Les différents niveaux de difficulté permettant à tous les joueurs de s’amuser, du novice aux experts confirmés. Les Bat-gadgets existent et sont utilisables en dehors des passages obligés du scénario. Le joueur peut même « enquêter », des moments passionnants et jouissifs. En outre « Arkham Asylum » ne peut être définitivement terminé qu’après avoir complété tous les défis de l’Homme Mystère alias Edward Nigma. Ainsi, achever le scénario principal ne sonne donc pas tout de suite la fin du jeu. La bande son travaille une atmosphère terrifiante en s’accordant sur les notes chères à Hans Zimmer, Danny Elfman et la regretté Shirley Walker pour la série animée.

Atteignant un bon équilibre entre action, infiltration et exploration, le titre de Rocksteady mise sur la richesse de l’expérience et de l’univers iconique du Justicier auquel il rend un brillant hommage. Un excellent jeu pour les gamers et une merveille pour les fans de Batman.

  • « BATMAN : ARKHAM CITY » (2011) – La confirmation :

Deux ans après le succès du premier volet acclamé par les critiques et les fans, Rocksteady remet le couvert avec « Batman : Arkham City ». Certains grands absents du précédent opus seront cette fois de la fête comme les membres de la « Bat-Family » comme Robin, Oracle et même Alfred. Les super-vilains juste mentionnés au détour d’une énigme sont bien là comme Double-Face, Catwoman, Deadshot, Hugo Strange, le Pingouin Mr Freeze, Ra’s al Ghul ou encore Talia, la fille de la tête de démon.

Ce qui saute tout de suite aux yeux dans ce second volet, c’est d’abord un environnement encore plus étoffé et plus dense. La carte d’Arkham City est beaucoup plus vaste que ne l’était l’Asile d’Arkham. Un terrain de jeu plus grand qui permet également d’en découvrir davantage sur la ville de Gotham et la mythologie du chevalier noir.  Même au niveau de la difficulté du jeu, les intentions belliqueuses des adversaires apparaissent systématiquement à l’écran lorsqu’ils sont sur le point de frapper. Un choix pas si aberrant étant donné que moult affrontements se feront face à six ou sept assaillants, et que leur résistance a été revue à la hausse.

Le système de combat a été étoffé : chaque affrontement gagné ou énigme résolue offre toujours son lot d’expérience supplémentaire et ces derniers permettent, en plus des techniques de base bien connues (coup de poing, parade, esquive sautée, coup de cape), de débloquer de nouvelles améliorations telles que coups critiques, destruction des armes, finish instantané, et autres.

De quoi refaire proprement le portrait aux différents vilains qui peuplent le nouveau terrain de jeux que ce paysage carcéral.

Une nouvelle aventure qui reprend là où c’était arrêtée la précédente une fois encore dirigée par Paul Dini et qui respecte à la lettre la mythologie du justicier de Gotham tout en y incorporant de nouvelles idées et des rebondissements bienvenues. Un plan machiavélique ourdit par le docteur Strange qui connait l’identité cachée de Bruce Wayne en fera voir de toutes les couleurs à Batman. Sans oublier que sa très chère Némésis, le Joker est bien présent pour encore offrir une performance démentielle accompagné des super-vilains iconiques de la chauve-souris.

Ceux-ci voient d’un mauvais œil que Batman se mêle de leurs affaires et entendent bien s’occuper de son cas définitivement. Les quêtes annexes sont autant d’occasions d’enchaîner les caméos, c’est bien simple ils y sont quasiment tous, et pour le néophyte qui risquerait de se retrouver perdu devant une telle avalanche de personnages, les développeurs ont pensé à incorporer une galerie récapitulative de pléthores de biographies et bandes enregistrées… dès lors qu’on les rencontre. Le fan de Batman, lui, est aux anges, d’autant plus qu’une belle multitude de petites références plus ou moins appuyées sont disséminées ici et là, apportant encore un peu plus de dimension à l’univers du plus grand détective du monde.

Au final, il faudra bien une cinquantaine d’heures au minimum aux plus acharnés pour venir à bout de la campagne, des missions annexes, des énigmes et des challenges d’Edward Nygma. Un jeu exceptionnel, plus vaste, plus étoffé et plus épique qui installe définitivement Batman et Rocksteady parmi les références du jeux-vidéo.

  • « BATMAN : ARKHAM ORIGINS » (2013) – La parenthèse :

Avant d’en venir à « Arkham Knight » on évoque la jolie prestation du Joker dans le prequel « Batman : Arkham Origins » (sorti en 2013) pour lequel le studio anglais de Rocksteady a passé la main à Warner Games Montréal.

Les prémisses du Batman que l’on connaitra plus tard dans les deux premiers Arkham. Ce justicier est plus jeune, plus entêté, il cogne d’abord et interroge ensuite, n’hésite pas à balancer dans le vide des hommes de main. Pas de temps pour la subtilité : avec une prime de cinquante millions de dollars sur sa tête financée par Black Mask, la bête se sait traquée par au moins huit chasseurs, sans compter la totalité du SWAT qui espère bien palper la récompense, dans une ville de Gotham désertée par ses habitants suite au couvre-feu imposé par la Police.

En présentant immédiatement la galerie d’ennemis à venir, « Arkham Origins » prend une orientation différente de son prédécesseur immédiat qui distillait les personnages petit à petit, mais cela n’empêche pas le titre d’avoir quelques surprises à son casting. Il y aura certes des redondances, mais le design joue plutôt bien sur le côté « prequel » du titre en respectant parfaitement les jalons posés par les jeux de Rocksteady.

Idem du point de vue de l’histoire qui s’y inscrit sans trop de difficultés malgré quelques faiblesses et incohérences. L’univers contient évidemment son lot de fan-service qui, s’il n’est pas aussi pléthorique que dans le second jeu de Rocksteady, recèle des surprises plus que réjouissantes pour les amateurs avertis.

Pour ce qui est du déroulement du jeu, la structure est strictement identique à « Arkham City » : Batman se balade à son gré au sein de Gotham, dont toutes les zones sont immédiatement accessibles dès le début. Certains immeubles sont reconnaissables dans Old Gotham puisqu’ils sont similaires à ceux de son prédécesseur.

Rien de bien nouveau donc malgré un environnement soigné, des quêtes secondaires intéressantes et un scénario parfois incohérent mais riche en idées. Un bon jeu qui n’aurait peut-être pas eu de succès sans ces deux prédécesseurs mais qui aurait été cependant acclamé sans ces deux prédécesseurs qui avaient mis la barre très haute.

  • « BATMAN : ARKHAM KNIGHT » (2015) – Le dénouement épique :

Sorti en 2015 sur PS4, Xbox One et PC est annoncé comme l’épisode chargé de clore la saga du Dark Knight de Rocksteady. Le studio britannique met les choses au clair dès son introduction, cette audacieuse ouverture place le contexte de ce dernier volet qui ne laisse guère de doute sur ses ambitions scénaristiques très sombres.

Quelques mois après les événements d’« Arkham City », les habitants de Gotham se retrouvent dans l’obligation de fuir devant la menace brandie par l’Epouvantail, prêt à lancer des armes chimiques aux 4 coins de la ville en compagnie d’un mystérieux chef de guerre : Le Chevalier d’Arkham. Ce duo est bien décidé à détruire une fois pour toute la chauve-souris de Gotham.

L’inspiration du scénario est une nouvelle fois à trouver parmi plusieurs comics iconiques de Batman comme « Un deuil dans la famille », « Batman : Under the Hood », « No Man’s Land » et bien d’autres. Malgré l’absence de Paul Dini à l’écriture sur cet opus, mais pas d’inquiétude, l’équipe de scénaristes nous réserve cependant quelques belles surprises inspirées par les univers précédemment créés par Christopher Nolan et Tim Burton.

Durant toutes ces heures de jeu, les joueurs assisteront à la déconstruction du mythe Batman, l’un des pivots centraux du scénario, la chauve-souris n’a en effet jamais été aussi instable psychologiquement. Le justicier pourra cependant compter sur Oracle, Alfred, Lucius Fox, Nightwing et Robin pour l’aider dans sa quête. Le jeu fait preuve d’un sacré savoir-faire quant à l’exposition des événements malgré quelques twists prévisibles, dans la droite lignée d’un « Arkham Asylum » dont le rythme ne faiblissait jamais. Une quête principale pleine de rebondissements mais une nouvelle fois agrémentée de missions annexes qui permettent aux joueurs de mener l’enquête sur une série de meurtres, de résoudre les énigmes de l’Homme Mystère, d’annihiler les plans du Pingouin, de Double-Face et bien d’autres.

Une aventure riche qui ne laissera aucun répit à notre Justicier masqué.

Le dernier bébé de Rocksteady est absolument magnifique et l’univers encore plus vaste que dans les jeux précédents. La map se décompose en 3 îles, chacune possédant ses spécificités et son ambiance, elles sont mises parfaitement en valeur et bénéficient d’un travail monumental sur les immeubles, les sols, les lumières pour permettre une immersion totale dans ce Gotham désolé aux joueurs.

Mise en valeur tout au long de la campagne promotionnelle, la Batmobile est bien présente pour donner une nouvelle dimension au titre avec un terrain de jeu beaucoup plus grand que pour City et l’arrivée sur les nouvelles consoles.

Le seul petit bémol pour ce titre qui tente sans cesse de nous imposer ce tank qui détruit tout sur son passage malgré son gameplay orienté très arcade donc très souple et agréable à prendre en main.

Le jeu permet également de jouer dans la campagne principale avec des membres de la « Bat-family », le joueur peut ainsi switcher entre Batman et un autre personnage tel que Catwoman ou Nightwing pendant un combat. Une idée fort intéressante mais trop souvent sous-exploitée sur la durée du jeu.

Gotham n’a jamais été aussi agréable à explorer, tout est pensé pour flatter le fan de Batman avec son lot de multiples références toujours disséminées avec le même soin accordé à la mise en scène. Une réalisation d’ensemble maîtrisée qui offre au demeurant certaines séquences (les fans de comics seront aux anges) a placé aisément parmi les meilleurs passages de tous les jeux Arkham confondus.

  • La fin d’une expérience inoubliable :

Le chevalier noir et Rocksteady auront définitivement marqué la dernière génération de consoles et le genre super-héroïque grâce à un respect incroyable pour son héros et son univers, les fans des comics et du chevalier noir sont aux anges et peuvent être impatients de découvrir les projets futurs du studio britannique.

Les rumeurs racontent qu’ils seraient investis sur un jeu « Justice League » ou sur un récit tournant autour de La Cour des hiboux dans l’univers de Batman.

Malgré la très belle fin d’« Arkham Knight » qui montre que le studio a peut-être tourner la page Batman… Rien n’est moins sûr devant tant de maîtrise.

 Note Globale de la Saga : 9/10

Julien Legrand – Le 28 avril 2020

Vous pourriez aussi aimer :

Critique « Joker » (2019) : Le Phoenix renaît DC cendres.

Joker relate une histoire originale et inédite sur grand écran, elle se focalise sur la figure emblématique de l’ennemi juré de Batman. Todd Phillips brosse le portrait d’Arthur Fleck (Joaquin Phoenix), un homme sans concession méprisé par la société dans ce film qui se présente comme un récit inquiétant.

Lire plus »

contact.screentune@gmail.com